Palette de Palerme (4/4)

Orgosolo (Sardaigne, juin 2022)

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Mes p'tits ami.es, l'heure des comptes approche tandis que j'entame ma dernière semaine palermitaine. Pour cette dernière salve, j'ai naturellement pensé aborder les ultimes sujets, avec un travail de consultation et de fond plus développé que mes avis à la va-comme-j'te-pousse, aussi le premier d'entre eux sur ma liste est aussi simple qu'essentiel : le FOOTBALL !

Quand j'ai parlé des couleurs de la ville, j'ai sciemment omis de parler du rose et du noir qui sont les couleurs emblématiques de l'équipe de Palerme. Si elle n'a que très rarement brillé dans toute sa carrière (quelques participations en championnat européen et des places de 5 ou 6ème dans la plus haute ligue domestique il y a une quinzaine d'années), les rosaneri ont surtout fait face pour la seconde fois de leur histoire à une liquidation du club (1986 et 2019) et quasiment un retour à la case départ pour eux (rétrogradation dans les confins de la Serie D – ça va de A à D, la A étant la ligue avec toutes les supers équipes italiennes, Rome, Naples, Milan etc). Quand il était question que je pose valise à Palerme, bien entendu au fait de la ferveur régnant en ville quant à leur club, il allait sans dire que j'irais à au moins un de leurs matchs à domicile. Manque de pot, j'atterris le premier jour au moment où ils prennent le dessus sur Parme (1-0) et la semaine suivante, même si j'ai eu l'info, le déplacement en Calabre s'est soldé par une défaite (3-2) avec un pénalty loupé par le capitaine aux derniers instants de la partie. Nous sommes le dimanche 27 novembre, Palerme (13ème/20) reçoit Venise (19ème/20) dans le cadre de la Serie B pour un coup d'envoi à 18h et j'ai mon ticket pour rejoindre la tribune des ultras locaux afin de remédier à ce manquement.

Sur les coups de 16h je suis réveillé de ma sieste par des chants supporters du bar d'en bas de la rue, repère du groupe ultra CNI. J'enfile un froc et je descends car le gérant Pasquale m'avait dit de m'y pointer pour le tir groupé et qu'on aille de concert au stade. Pendant le trajet, je demande à Jessica et Giuseppe leur meilleur souvenir, la première évoque son premier match, face à Frosinone (jeune et ardente rivalité semblerait-il), et le second chaque rencontre face à Catane, la deuxième plus grosse ville de l'île donnant lieu au derby sicilien et ses débordements en marge du match (plusieurs fois sur les murs palermitains il m'a été donné de voir de vils Catania merda). Arrivé aux alentours, c'est la même chanson que partout, des stands avec des écharpes et des faux maillots, des vendeurs ambulants de shots et de bières ainsi qu'une pelletée de camions déployés qui fleurent bon le graillon et les préparations locales (on y reviendra). Des centaines de Vespa ont déposé leurs deux ou trois supporteurs qui s'étaient entassés dessus et qui se dirigent maintenant vers l'arène. Les fouilles sont pas trop de rigueur, d'autant qu'une fois au portique, un gamin me demande s'il peut passer avec moi. Pas fasciste pour un sou, je le glisse devant moi au moment de passer dans le tourniquet sous les yeux du stadier qui n'en a visiblement cure. Pof, nous voilà en tribune : curva nord inferiore (abrégé en CNI, d'où le nom du groupe ultra). Je remarque rapidement qu'au-dessus (curva nord... superiore oui, si vous suivez) c'est bien plus peuplé et propice au boxon, qu'importe, je me fraye un chemin jusqu'au groupe qui m'a convoyé. Pour ceux qui voient pas bien l'utilité de ce genre de démarche, quelques mots : les ultras sont des supporters engagés, essentiellement envers leur club et ses déplacements à l'extérieur ; ils ont l'allure de gars pas bien fréquentables mais restent quand même relativement sages et ne doivent pas être confondus avec ce qu'on appelle le hooliganisme (bagarre, agressions, criminalité, racisme, antisémitisme et tout le tremblement) ; leur but premier est de soutenir leur équipe et donc de mettre de l'ambiance par leurs chants dans les tribunes, la mesure est donnée au mégaphone par leur capo (le chef donc) qui fait dos au terrain (et donc ne le regarde pas) ; mais si on va spécialement dans cette partie de la tribune (qu'on appelle aussi kop, généralement placée derrière les cages) c'est pour l'ambiance unique et propre à chaque club, car tous n'ont pas les mêmes types de public, histoires, chants et ferveur. Ici en Italie, on prend les choses à cœur. Alors qu'une cinquantaine d'ultras vénitiens ont fait le déplacement (chapeau à eux), parqués dans une tribune haute du stade entourée de grilles protectrices, la pluie se met à tomber par tonneaux tandis que le coup d'envoi n'est même pas encore donné ! Sous la Pata Gore-Tex, je fais pas trop le malinois, parce que je sens que les photos vont être d'autant plus complexes avec la flotte et le peu de luminosité, mais je me sens toujours mieux logé que la « Gate 12 », le groupe d'ultra du dessus qui n'a rien pour se protéger de la pluie. Globalement, une fois le match débuté, il se passe pas grand chose si ce n'est que ça chante, j'attrape un « Venezia pezzo di merda » au vol, d'autres refrains plus connus à base de « allez allez » ou « laaa lalalalalala laaaa », quelques amabilités sont échangées quand à la mi-temps, la pluie cesse tout à fait. Le match s'intensifie, deux frappes vénitiennes sont venues frôler les poteaux mais leurs joueurs commencent déjà à montrer des signes de fatigue. De l'autre côté, un pénalty est accordé à Palerme puis refusé par la VAR (l'arbitrage vidéo, une des plus belles inventions du football actuel). Un cafouillage dans la défense palermitaine et c'est le drame, les cinquante derniers vénitiens connus du monde moderne exultent mais notre capo n'est pas dupe « DAI DAI PALERMO DAI »  s'égosille le bougre ! Après qu'un défenseur vénitien touche le ballon de la main, un second pénalty accordé, là cette fois, c'est la bonne putain ! Le capitaine Brunori, s'élance, tire, la balle est miraculeusement repoussée par le gardien, Brunori la rechoppe au vol et tire et REBUTE SUR LE GARDIEN CATSO DI MERDAAAAA ! L'abattement que produit cette double parade du portier est tout aussi dingue que ses deux arrêts. Mais allez, on chante puisqu'on est là ! Et puis Palerme insiste, centre, ça finit en tribune, recentre, c'est trop simple pour le gardien, rerecentre bon ok cette fois ils étaient aux fraises personne n'a suivi, et là c'est la bonne, ça finit – pas simplement mais on le prend quand même – au fond des filets !!! Le stade hurle, rageur, tend le majeur à ces 50 clampins détrempés et trop sûrs d'eux (ils ont ce signe de la main que j'vais pas m'aventurer à décrire mais qui veut dire sans détour « je te baise enculé de ta race ») et on s'apprête à remettre la balle au centre quand soudain... p'tit coup de VAR, ça siffle, ça gueule, ça veut pas y croire, le but est re-fu-sé ! Le stade mange son chapeau à quelques minutes de la fin du temps réglementaire. Bien sûr, une chanson est dédicacée à l'arbitrage et globalement, je crois qu'on leur suggère de pas trop trainer aux alentours du stade ce soir mais malgré un peu d'insistance et des supporters qui veulent toujours voir l'égalisation, les premiers peigne-zizi s'effacent de leur strapontin pour regagner bobonne avant le coup de sifflet final. Le couperet tombe, Palerme perd son second match d'affilé mais cette fois la pilule est plus dure à avaler, car c'est à domicile. La colère des supporters est palpable en tribune au moment où l'équipe vient les saluer, certains crient leur mécontentement « vai, vai via ! » (dégage en somme) mais le reste du stade vide les lieux la mine basse, les pieds trempés et l'œil humide, persuadé que quand ça veut pas, ça veut pas, et que l'arbitrage vidéo est au moins un des sept fléaux de Dieu.

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J'en avais déjà touché deux mots lors de mes pérégrinations sardes mais, bien plus qu'en France, ici on voue un culte aux dolci (littéralement douceurs, sucreries, plutôt de type pâtisserie). Si chaque café peut vous proposer des panini, il serait bien incroyable de ne rien voir dans ses vitrines pour conclure le repas ou combler un petit creux. Les italiens se retrouvent volontiers pour la pause, le matin ou l'après-midi, autour d'une petite tasse et d'une friandise ou d'une part de gâteau fantaisiste.

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Sur la route ce matin, je trouvais la ville plus calme comparée au début du mois. C'était juste avant de remarquer qu'une rangée de cars en provenance du port venait de dégueuler son flot de touristes en croisière. Guides, taxis Ape, calèches et mendiants virevoltaient à leur encontre et la via Maqueda grouillait de nouveau.

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On a parlé de déchets, de chevaux, de klaxon, de langue des signes et de sicilien, voici pour compléter le portrait de la ville une petite liste non-exhaustive de spécialités locales :

  • le sfincione est un genre de pizza avec pas grand chose dessus (bah oui, bienvenue chez les pauvres). Un peu d'origan, de la tomate, une pâte moelleuse, le tout revenu dans l'huile d'olive avec en supplément du poivre et hop, emballez c'est pesé ! Très bon pour ses 2 balles.

  • la pasta alla norma, sauce tomate, aubergines frites et ricotta râpée pour topping.

  • la pasta al forno, genre pâtes en gratin mais avec un type de pasta bien défini, des petits anneaux. On y ajoute du ragù (ce qu'on appellerait chez nous de la bolognaise) et des aubergines.

  • rayon streetfood il y a deux choses que je n'ai pas eu super envi de goûter quoique les locaux aient pu m'en dire : le pan con milza (sandwich avec du poumon de veau et de la rate) ou les stigghiole (des brochettes d'intestin d'agneau avec quelques gouttes de citron).

  • tout aussi streefood que les deux sus-nommés mais moins intimidant, le pannelle e crocche consiste en un délicieux sandwich de feuille de pois chiche écrasés frites arrosées de citron.

  • non sans une certaine honte je dois l'avouer, jusqu'à quelques jours de cela je n'avais jamais goûté d'arancine. Boules de riz frite avec un cœur au goût variable (ici les locaux préconisent de rester sur le traditionnel ragù/carne et petits pois), elles s'échangent entre 1 et un peu plus de 2 euros.

  • rayon sucré, il y a à faire aussi avec le coin des glaces par exemple. Outre les granite (eau, citron, jus de citron et sucre gelés jusqu'à un certaine constance), un truc farfelu que je n'avais vu dans aucune autre gelateria, c'est qu'on peut manger ses deux boules de glace fourrées dans un petit pain brioché !

  • en dehors des pistaches et des amandes (plutôt cultivées vers Catania) qui agrémentent les desserts locaux, ici on verse plutôt dans le genre cannolo (biscuit fourré de ricotta) et cassata al forno (gâteau sablé également à base de ricotta). N'étant pas très bec à sucre, j'ai tout de même goûté les deux desserts pour mon édification, mais il m'a semblé ne rien devoir en retenir au grand dam des aficionados.

  • il y a une grande tradition du XIXème siècle des pupi, et aux alentours de Theatro de la Piazza Verdi, de petites échoppes vous présenteront des spectacles ou la fabrication de ces marionnettes représentant de fameux chevaliers du moyen-âge et leurs aventures

  • on retrouve également un tissu à motif inspiré des maioliches (majolica en italien, les carrelages aux couleurs vives typiques) décliné en bandeau, sac, béret et fantaisies.


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Il y a six mois je découvrais la Sardaigne et trois articles gagent de mes impressions quotidiennes. En regardant les photos de ce voyage, et en me replongeant intérieurement sur leurs prises de vue, bien que j'avais sur le moment conscience d'accéder à un monde fait essentiellement d'hommes (sans doute parce que j'étais aussi un homme), les femmes brillaient par leur absence dans la quasi totalité de mes photos. Ce qui était un constat est devenu un véritable problème dans le sens où, souhaitant initialement réaliser un portrait global de l'île et sa population, environ la moitié d'elle m'était restée caché. Diverses raisons expliquent cela : leur rareté dans l'espace public essentiellement occupé par des hommes, ma réticence à aborder photographiquement des femmes, leur réticence à se faire aborder par un inconnu (je ne déplore rien de cela), et enfin un fait très culturel et ancré dans une société traditionnelle (au moins) méditerranéenne (mais encore très pratiqué en Italie en dehors des grands pôles urbains), l'homme travaille dehors et sa femme s'occupe de la maison, sa bonne tenue, des repas et des enfants. Eh bien, dans un premier temps, depuis Borgo Vecchio et mes fenêtres, ses rues, mon impression était que cette pratique était encore d'actualité, mais ici-même, en ville, à Palerme. Et c'est vrai, en dehors des quelques femmes qui tiennent une boulangerie ou une laverie, les mamies qui surveillent les caisses d'une supérette, eh bien les seules femmes que vous verrez sont celles qui filent chercher les mômes à la sortie des écoles, vont quasi quotidiennement aux commissions, ou celles qui étendent le linge au balcon et discutent avec leur voisine d'en face sous une paire de gamines jouant avec un chien dans la ruelle, mais c'est tout. Il m'a fallu en parler avec Nisrine ou Alice pour comprendre que ce n'était pas tout Palerme qui était ainsi, mais ses quartiers les plus populaires, où le travail étant moins accessibles aux personnes souvent non formées ou diplômées, ces femmes restent souvent à la merci de leur mari. Ailleurs en ville, cela ressemble à ce qu'on connait, des vendeuses par milliers, des bureaucrates, des avocates, des docteures, des policières, bref, un échantillon plus moderne de notre Europe.

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S'il est difficile depuis l'intérieur de juger de l'élégance, son rayonnement ou son allure, c'est en revanche quand on sort de son pays qu'on devient plus à même de le comparer. Ainsi, chacun sait qu'il existe une mode, un style à la française et un luxe qu'on exporte partout et qui fait les grandes fortunes de notre pays, et ainsi nos voisins qui nous ont à la botte nous reniflent le cul. Prada, Gucci, Dolce & Gabana pour ne citer que les trois plus grandes entités de la via Liberta, collent au train des boutiques d'Hermès, Vuitton ou du Crédit Agricole (bon j'rigole pour le dernier, mais pas tant malheureusement, derrière son nom qui évoque la bouse ou le terroir, c'est le Top 10 des banques mondiales juste derrière la BNP). Mais qu'est-ce donc que le style à l'italienne ? Plusieurs éléments de réponse avec votre reporter qui a failli entrer à Esmod mais n'en avait pas le fric :

  • Dans le genre mixte, les lunettes. Je ne sais pas si c'est un problème génétique de presbytie ou de myopie globalisé au peuple macaroni, mais la lunette a la côte grave ici. Bien sûr, il y a la paire de solaire parce qu'on jouit globalement du plaisir de se curer sans l'aide de la sécu de vitamines D. Mais il faut dire aussi qu'il y a un artisanat, un savoir-faire de la belle monture. Typiquement, comment ne pas craquer devant un papy et son large châssis noir où viennent se nicher deux loupes ?

  • On reste dans la papy : le béret/la casquette. Plusieurs ateliers et fabriques via Garibaldi pour trouver le couvre-chef de vos rêves. Ici, la classe du papa papasse papar la casquette sur le haut du crâne. Plutôt grise avec un fin motif tartan, on l'associe volontiers aux lunettes de vue avec grosse monture pour un style sicilien encore plus prononcé.

  • L'imper, oui oui oui. Genre long trench Burberry ou plus moderne, la version mi-cuisse K-Way que j'vous ai dit que la marque françoise était partout ici. Ce que j'appelle les Working boys/girls, en costard/tailleur, ne sortent pas en cette saison sans l'imperméable impeccable adéquat. Peut éventuellement se troquer pour une doudoune en duvet avec manches.

  • Là encore, plutôt côté hommes, les costumes. Il y a une tradition du costume italien tout de même. Les tailleurs de la via Maqueda ne me semblent (sauf erreur de ma part) pas les plus indiqués pour vous sortir la tenue parfaite, mais le costume deux pièces a encore de beaux jours devant lui surtout quand vous croisez ce genre d'oiseau : lunettes de soleil plus grandes qu'une baie vitrée, gondoles proprement cirées aux pieds et costume à motifs d'ahuri. Non sinon en vrai, ils ont plutôt la classe les italiens qui peuvent se le permettre.

  • Les escarpins ! En v'là un d'italianisme disparu, les escarpes pour les chaussures (scarpe) sont oubliées, les escarpins, à talon, eux sont restés dans notre langage. Le Christian Louboutin national s'appelle Salvatore Ferragamo et il habille les petits pieds de nombreuses italiennes. En revanche, avec le trottoir parlermitain, c'est une rude épreuve de tous les instants qui s'offre à l'équilibriste, donc pas sûr que le chef-lieu sicilien soit le meilleur représentant en la matière, mais il n'empêche qu'en terme de botte, bottines, cuissardes, escarpins, bref, tout ce qui se fourre au bout des arpions, les italiens ont pas perdu la main.

  • Les montres et les bijoux, je les fourre dans le même sac. Les grosses tocantes pour les messieurs, la ferraille pour ces dames (mais les premiers ne renieraient pas quelques baguouzes princières ou une chaine autour du cou), globalement, quand on se met de mise pour le weekend, il faut en jeter, et l'impression est partagée par une camarade française qui vit à Palerme depuis quelques mois, le trente-et-un de fin de semaine italienne est un véritable défilé où il faut briller de mille feux. Bien entendu en France on ne renie pas la joaillerie, mais ici, on en est dingo.

  • Enfin, est-ce que ça tient au fait qu'on se montre plus publiquement que dans nos bleds (je pense aux plages notamment), mais on apporte ici, il me semble, un soin plus grand à la coiffure, au rasage, à la barbe, moustache ou toute autre pilosité qui soit (il n'y a qu'à voir le nombre hallucinant de salons esthétiques qui vous parlent d'épilation définitive pour se rendre compte que le poil dru a fini de traumatiser des générations entières). Là où le cliché français de l'homme ou de la femme aura un air plus bohème et (faussement parfois) négligé, l'italien sera plus impeccablement coiffé et apprêté.

  • Et là j'entends du bruit dans le fond du couloir, une esclandre : « mais qu'est-ce que c'est que ces observations bourgeoises ? Y'en a toujours que pour ceux qui ont les moyens ? Et les fiers ouvriers ? Et les petites mains ? Et les écoliers pouilleux alors ? » Mes ami.es, il faut raison garder ! L'habit du travailleur, il est international, ce sont le bleu, la poussière et sa sueur ! Son style, c'est sa condition, sa lutte pour le pain quotidien, sa mine abattue par le Capital. La mode connait bien évidemment la lutte des classes. Sans transition, tout cela nous emmène au point suivant.


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La répartition des richesses est bizarrement foutue à Palerme. Même s'il existe différents indices de richesse avec au premier plan ces avenues qui centralisent argent et grands leviers économiques (la via Liberta regroupe à elle seule shopping, investissement, lieux de résidence pour notables), au second le centre-ville attractif avec ses magasins et ses bâtiments touristiques et historiques ou le quartier aisé d'immeubles de Notarbartolo, puis les quartiers moyens, périphériques aux deux premiers, et enfin le fond du panier d'où je vous écris ; eh bien force est de constater qu'à l'image d'une ville comme Marseille (et son quartier Noailles par exemple), ses quartiers populaires ne sont pas les plus excentrés. En effet, Borgo Vecchio et Ballaro sont deux exemples de quartiers où à une centaine de mètres à pieds, la misère côtoie les grandes avenues florissantes.

S'ils sont souvent considérés comme sales, insalubres et insécurisants, c'est également parce que longtemps les politiques publiques ont manqué de s'atteler à leur entretien ou leur rénovation au profit de coins plus neufs. Outre les problématiques internes qu'il peut exister à ces quartiers et leur éco-système établi, la gangrène mafieuse a également privilégié la destruction et la reconstruction de résidences luxueuses en bordure du centre historique parlermitain, plus loin des regards, afin de brasser plus de profits. Petit à petit livrés à eux-mêmes, l'île globalement abandonnée à la misère, la ruine et la faim à la sortie de la seconde guerre, Ballaro, Vucciria et Borgo Vecchio, de par leur proximité avec le port, sont également devenus des repères criminels où prostitution, alcools et drogue s'échangeaient, créant ainsi les problèmes de fréquentation corollaires à ces pratiques.

Qu'en est-il aujourd'hui ? Les rues de Palerme sont-elles sûres ?

La réponse tient en peu de choses, car aucune ville n'est jamais sûre. Regardez Levallois-Perret, ses criminels sont pas voleurs à la petite semaine. Palerme c'est autre chose. Pour mon expérience personnelle, à aucun moment je n'ai été inquiet ou inquiété. Pourtant, rentrant de soirée, l'amie de Valentine se fait arracher son collier dans la rue par un type. C'est la seule histoire que j'ai pu recueillir en fait, et comme ma camarade française le disait : « je ne vais pas arrêter de sortir pour autant, ça aurait pu arriver n'importe où, à Dijon ou à Paris ». Il y a bien quelques rues pas glam vers Ballaro pour leur côté coupe-gorge et trafic de came, mais vous dérangez pas j'fais qu'passer ; dans l'ensemble, en journée, rien à signaler. Le coin de la gare est pas jojo, mais comme tous les grands centres urbains, pensez Gare du Nord à Paris, Milano Centrale, ici aussi c'est le crack que ruminent les derniers voyageurs immobiles. Hormis ceci, et le traitement habituel réservé aux femmes dans les villes en matière de harcèlement de rue, Palerme a tout l'air d'être devenue une ville tranquille.

Tranquille d'accord, mais pas sans souci, et le manque de travail en est le principal, à l'image de la Sicile. Pourtant si on remonte dans le temps, aux civilisations phéniciennes qui ont bâti Palerme et aux grecs qui l'ont enrichi (à l'époque ça s'appelle Panormospan c'est le tout, ormos la crique, soit le port où tout le monde mouille), la ville tire ses principales ressources du commerce et de la mer. Aujourd'hui encore, le principal employeur de la ville reste les chantiers navals. Comme chef-lieu sicilien on y retrouve aussi un petit centre administratif et des délégations de l'état, ainsi qu'un petit cœur du secteur tertiaire, mais loin de pouvoir employer toute la main d'oeuvre de l'île, très dépendante de son tourisme, développé en flèche depuis une quinzaine d'années (non sans modifier le visage de la ville et ses principales avenues, le déplorent certains palermitains). Malgré une politique de développement de projet pour les start-up locales comme « Resto al sud » (à hauteur de 50 000€) loin d'endiguer l'exode massif des étudiants vers les facultés du nord (Bologne, Milan en premier lieu) et leur installation dans ces régions mieux pourvues sous tout rapport (sauf p'tete le climat), Palerme n'est culturellement (en terme de concert, d'expositions) pas une destination prisée des intérêts étrangers. Il reste que pour les travailleurs sans diplôme, outre le BTP et des petits boulots sans qualifications, il n'y a pas grand chose à se mettre sous la dent. Nombre de fois, j'ai aperçu de jeunes gens découper des palettes dans un atelier, aider sur le stand paternel du marché, empiler des cartons, tenter de réparer des machines jetées aux encombrants. À l'image du vieux Jaquinto qui à 63 piges trainait les fruits et légumes au marché Ortofrutticolo, ces personnes doivent s'en tirer avec une quinzaine d'euros par jour, et encore. La Sicile est également une terre d'accueil, quasiment la première (outre Lampedusa et Malte) sur la route de l'Afrique. Sortis du camp de migrants, très peu de solutions sont proposées à ces derniers, qui se rabattent au mieux sur des jobs précaires de vendeurs de parapluie les jours de flotte ou de voituriers sauvages pour les places de parking vacantes sur les grandes avenues. Oui, il existe une véritable misère, bien visible et propagée dans Palerme, malgré une augmentation drastique des loyers qui ont doublés en moins de dix ans. Peu de surprises dans ce cas à ce que certains se tournent vers d'autres horizons.


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Voyez comme j'ai bien ficelé mon programme, ce qui vient juste après le laïus « Répartition des richesses palermitaines » c'est la partie digeo de notre dissert' que j'ai consacré à un sujet forcément et rapidement évoqué quand on parle de Sicile : la mafia.

P'tit point histoire en version accélérée, on va dire que je vous présente la bouteille, la mafia est un terme sicilien pour évoquer le regroupement de malfaiteurs et qu'on illustre volontiers par l'image de la pieuvre dont les tentacules s'immiscent partout et continuent de bouger même si l'animal est décapité. Si on trouve des traces de ce genre d'acoquinement au milieu du XIXème siècle sur l'île, c'est essentiellement à partir de l'après seconde guerre mondiale que celle-ci va devenir un problème majeur pour le territoire et ses habitants. En effet, l'accession de membres de sa société à de hautes fonctions, le chaos politique et étatique régnant à la suite de la fin du fascisme mussolinien et la période d'extrême pauvreté traversée par une large partie du peuple italien avant d'entamer une reconstruction du pays ont été un terreau propice à ce que quelques malandrins s'arrogent les meilleurs parts du gâteau. De plus, c'est dans ces années-là que la came commence à avoir le vent en poupe et pour ce qui est d'avoir le nez creux, les mafiosi font de la Sicile une plaque tournante d'héroïne et de cocaïne vers les Etats-Unis où une bonne partie de la famille est partie s'installer. Avec la réussite des affaires vient l'argent, l'argent corrompt tout et appelle l'argent, les membres qui ont prêté serment infiltrent toutes les sphères (politiques, judiciaires, cléricales), tout roule en somme. Jusqu'à ce que deux juges commencent à leur mettre des bâtons dans les roues : Giovanni Falcone et Paolo Borsallino le payeront de leur vie (1992), comme tous ceux qui se mettent en travers du chemin de Cosà nostra (le nom de la mafia sicilienne). L'appareil judiciaire tient bon, soutenu très largement par un peuple pris à la gorge par les criminels et leurs méthodes, arrestations en veux-tu en voilà, les gros bonnets finissent par tomber, maxi-procès célébrissime de 1986-87 (on parle de bientôt 500 lascars en jugement), et quand le capo di tutti capi (le chef de tous les chefs) Toto Riina (comme quoi, quand on commence avec un prénom pourri on finit par prendre sa revanche sur la vie) se fait capturer en 93, globalement tout le club de bridge en perd ses cartes. Dès lors, on pourrait penser : « le chef des chefs est tombé, finito, merci mon chien, rideau ». Souvenez-vous de la pieuvre... Y'a eu une suite à cette histoire, et ça court toujours.

Parler de mafia, c'est pas simple. Aborder le sujet avec un palermintain, c'est faire face à une appréhension, comme quand vous touchez à un sujet tabou. Dire que les maxi-procès et l'arrestation du capo signifiait la fin du règne de Cosà Nostra (au profit de la mafia calabraise, la 'Ndrangheta), ça en revanche personne ne s'y est risqué, car les places vacantes dans l'organisation suites aux liquidations, trahisons et arrestations massives ne le sont pas restées longtemps et le business a repris en ronronnant (de 95 à 2006 c'est un certain Bernardo Provenzano qui en a tenu les rênes). Simplement, la façon de faire a été revue au goût du jour et corrigée, comme par exemple, si la population ne peut plus nous sentir, on fait davantage dans le genre discret et feutré, et par exemple on arrête de déglinguer le gênant en pleine avenue ou en faisant sauter un pont. Mais il faut dire aussi que toute la population n'est pas hostile à la mafia. Dans les quartiers populaires elle trouve un vivier d'hommes de main et prêts à l'emploi. Elle nourrit et protège des familles contre un état social en faillite ou un bras droit policier qui a tendance à s'acharner sur les milieux les plus défavorisés et ses rejetons. La mafia défendrait la veuve et l'orphelin ainsi que le chantait l'ancienne fable romantique du Robin des bois, le bandit au bon cœur. Mais si son hégémonie est déjà dans le rétroviseur, j'ai demandé à un pépé de l'âge de mon père comment que ça se passait Palerme, à la bonne époque du plomb à pas cher. Ce dernier m'a répondu que la presse pouvait presque quotidiennement illustré ses faits divers avec Cosà Nostra (en témoignent les nombreuses photos sur le sujet de Franco Zecchin et Letizia Battaglia). Mais est-ce qu'il avait peur pour sa vie lui ? Le bougre m'a répondu : « toi demain, tu marches dans la rue, une brique te tombe dessus, tu meurs ; à l'époque ç'aurait été une balle perdue ».

Ainsi, la mafia continue, encore de nos jours, mais ce qui la rend difficile à cerner c'est autant ses actions que son rayon d'action, son influence. S'il est clair qu'elle détient un quasi monopole du réseau d'import-export et de vente de drogue sur l'île, il m'a été plusieurs fois dit qu'elle n'avait pas quitté sa nébuleuse de prédilection : le bâtiment. À la manière de la reconversion des yakuzas nippons, de l'achat à la vente de terrain, de la destruction à la construction d'immeubles, de la mise en location jusqu'à l'obtention des marchés publics, avec le soutien du monde de la finance ou même de l'appareil étatique qui légalisent ses œuvres, la pieuvre continue d'agir. Aujourd'hui connu en Italie, outre l'argent des jeux et de tout ce qui s'y rapporte, la gestion des déchets des habitants et des industries italiennes est une problématique et un domaine d'activité mafieux très lucratif.

Mais existe-t-il toujours un pizzo (impôt à cracher pour les commerçants et les entreprises) ? Certainement, mais dans quelle mesure ? Y'a-t-il toujours des gars qui se font dessouder ou couler un costard format béton au fond de la baie ? Oh, ça doit bien arriver oui. Est-ce qu'on glisse encore des têtes de cheval et qu'on découpe des clowns pour les donner aux cochons ? Ça moins sans doute.

Toujours est-il qu'en parlant avec quelques palermitains du sujet, l'un m'a annoncé sans détour que le religieux à la cathédrale de Monreale qui l'avait baptisé avait été arrêté quelques années après une communion comme gros ponte mafioso, et l'autre que Libero Grassi (un célèbre chef d'entreprise ayant publié dans la presse une lettre ouverte où il dénonçait et refusait le pizzo, vous imaginez bien que le pauvre aie pas fait long feu... trois balles dans la tête à 7h30 du matin) était le mari de sa tante. Et encore aujourd'hui, alors que vous vous baladez dans Palerme, mettons en face des Catacombi di Cappucini par exemple, et que vous demandez à tout hasard « c'est quoi le grand bâtiment qui ressemble à une usine toute abandonnée en face ? », le mec en face de vous lèvera un œil sur votre tronche de touriste et haussera les épaules. En un mot comme en sang, vous aurez compris qu'il faut pas creuser plus loin, vous êtes tombés sur un os : « mafia ».


À regarder sur Arte (youtube) : Mafioso, au cœur des ténèbres, 53 minutes

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J'apprends ce soir par Marina (mi-napolitaine, mi-sicilienne) qu'à chaque fois qu'on tire des feux d'artifice en ville (c'est arrivé à bien des reprises ce mois-ci) c'est parce qu'on fêtait :

  • une cargaison fraiche et massive de drogue

  • la mort d'un ennemi du clan

  • la libération d'un ami du clan

Quelle ambiance.

69/

Depuis la rue Montalbo, un primeur avec qui j'avais déjà discuté me conseille pour la fin de mon séjour de tout de même faire un saut à Monreale. Bien sûr quand moi je le prononce, les italiens me voient déjà au Canada, mais Monreale est un p'tit bled à la sortie sud de Palerme et qui le surplombe. Sa particularité ? Posséder une cathédrale presque identique au chef-lieu sicilien. Un vieux me raconte cette histoire à leur propos : « il y a deux cathédrales parce que ce sont deux frères normands qui les ont voulu à leur image, une belle de l'extérieur et moche de l'intérieur (Palerme) et l'autre l'inverse (Monreale) ». Bien entendu c'est une petite boutade pour garder la pêche quand on se tape une déco intérieure indigne du magnifique édifice arabo-normand datant du XIIeme siècle, mais revenons à nos moutons.

Le bus de la Piazza Independancia monte péniblement jusqu'au pied de Monreale. Ses petites rues escaladent le flanc de montagne et me rappellent indubitablement Orgosolo en Sardaigne. Ruelles étroites, petites échoppes miteuses, mais ville pourtant bien vivante, un pied seulement dans le tourisme grâce à son édifice central. Après un tour rapide dans le village, un saut sur un belvédère pour admirer la ville et la mer en contrebas d'un côté et de l'autre, les monts siciliens et leurs villages qui campent à leur entour, je mendie une entrée gratuite à la caisse de la Cathédrale (étant « senza lavoro », on dirait plutôt disocupato ici mais, c'est chômeur quoi) et j'admire ce bijou d'architecture et ses riches décorations byzantines.

70/

Pour ma dernière journée, je retrouve Valentine, la jeune étudiante en erasmus à l'université de Palerme et nous prenons la direction du stade. Un bon kilomètre plus loin, se trouve une villa étrange : la Pallazzina Cinese. Née à la fin du XVIIIème siècle, cette villa au style chinois fut choisie par le roi Ferdinand IV pour leur retraite royale. L'extérieur évoque un palais chinois massif et taillé à la serpe, loin de la finesse des originaux, mais son intérieur propose un curieux mélange des inspirations orientales et arabes dans la décorations de ses salles. On peut y admirer au sous-sol un astucieux monte-plat d'époque servant directement les convives sur la table de déjeuner. L'entrée y est gratuite et le jardin bien entretenu, c'est une petite étape plaisante sur la route de Mondello vers laquelle nous nous rendons en cette journée. Un p'tit coup d'autostop nous y mène (le jeune chauffeur nous faisant même faire le tour du propriétaire du patelin) car il nous prévient que les bus sont rares et passent selon leur bon vouloir. Après une part de lasagnes et un dernier verre de Nero d'Avola, Nisrine nous rejoint et nous entamons une petite ballade sur le bord de mer de la station balnéaire de Palerme. Rattachée à la ville depuis le siècle dernier, sa promenade est parfaitement déserte en cette grise journée, hormis les quelques vendeurs ambulants nous proposant désespérément un inutile paréo ou souvenir en toc chinois aux couleurs siciliennes. Au loin, de l'autre côté de la baie, s'élève le cul de Monte Pellegrino, et derrière, logiquement mais invisible à nos yeux, Palerme. Nisrine essaye de nous faire deviner la forme qu'on donne à cette petite montagne dans laquelle vit un ermite, on voit en elle un chien couché qui garde et défend l'entrée de Palerme.

71/

Je me force à passer par l'immense marché installé Piazza Ruggero Settimo et via Maqueda. Tout est aux couleurs de Coldiretti, un lobby agricole national qui a la louable intention de faire consommer 100% italien aux visiteurs. Plus que le local, il semble effectivement que le nationalisme a bonne presse en ce moment en Italie. La sono diffuse en alternance des titres pop et un colloque sur le vin. Je passe entre les stands où des centaines de personnes se pressent pour y découvrir la poignée d'élus sélectionnés sur le volet pour leur présenter leurs produits (miel, champignons, tomates et dérivés, vin, fromages, agrumes, fleurs, etc) au milieu de stands qui échangent vos deniers contre des tickets de rationnement, d'autres qui vous préparent une petite assiette de bouffe et des derniers plus incongrus (Moulinex, gendarmes et policiers d'Italie, équivalent Poste et SNCF ou encore Mc Donald's qui se targue de proposer 85% de sa malbouffe en provenance directe du pays). À la sortie, je demande innocemment à une organisatrice jusque quand dure l'exploitation de cette réunion extraordinaire, réponse : 3 jours. Trois jours pour une semaine de montagne préalable où j'ai pu constaté le désastre écologique que représente ce genre de grand-messe (tout est flambant neuf, aucun bois ou élément de récup', on y voit comme en plein jour, et surtout, une fois l'événement plié, y'a beau voir qu'on puisse réutiliser quoique ce soit de son installation). Je me lamente tandis que les camions pizza, fritures et rôtisseries délivrent leurs produits à la file de badauds qui s'y presse. Je regarde ces têtes qui vendent leurs fruits et légumes et je les trouve d'un coup trop propres, trop belles, à l'image de l'armée de jeunes cadres dynamiques tout sourire que je vois défiler et qui a du ficeler l'événement. C'est sans doute moi... ce doit être une belle réussite et je m'enfonce dans le Borgo de ma dernière nuit.

72/

Six heures du matin, les rues vides, le train pour Punta Raisi et son aéroport Giovanni Falcone.

Je me sens vraiment triste de partir mais suis certain de revenir. Désespéré à l'idée de remettre les pieds à Paris, mais heureux d'y croiser quelques heures une tête connue et chérie. Atterré à l'idée de revoir les sans-abris des couloirs venteux de Charles De Gaulle ou du métro, et ravi de siffler un Côtes de Beaune.
Je ne réalise pas tout à fait ce que je quitte, où je suis. Demain, dimanche, ce sera le Mont-Blanc pour quatre mois en tapisserie de fond et le saint turbin pour me repayer une nouvelle paire d'ailes. Quatre mois.

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