Bauer part en live

 

Tout nous semble loin aujourd'hui.

Et la gloire passée du club, la superbe de son stade planté comme un joyau au sommet de la couronne rouge qui cernait Paris, et les palmarès, et la reconnaissance nationale et sportive, les foules, la chaleur et les chants d'un public uni.

Loin de la ligue première, des transferts millionnaires, des grands rendez-vous européens, quand vous errez aux puces, un certain vendredi soir, il n'est pas rare de voir circuler quelques maillots verts et blancs dans une direction vague : une tour HLM carambolée. A ses pieds, une longue tribune nue livrée au chiendent et aux intempéries, et d'autres, survivantes, où se massent les locaux attendant leur heure, le coup de sifflet de l'arbitre.

La Première Est se remplit, s'anime et, plus parfois que l'équipe sur le terrain, défend. Coûte que coûte, c'est sa réputation solide de douzième homme qui est en jeu, celui qui donne de la voix quoiqu'il arrive, rythme les rencontres, tel le cœur qui bat, au milieu de ce stade antique.

Bien sûr que le football a à voir avec la victoire, la défaite, le match nul ou pourri, mais être supporter ici, c'est une question de vie. La foule est une, main sur le cœur, elle observe, applaudit, clame, scande ou crie après un objet lointain de désirs imprévisibles. Si nous avions perdu, alors nous rentrions en nous-mêmes, déçus de cette maudite fatalité. Si le score était nul, c'était au moins ça de pris, mais à domicile... ? Et certains soirs, forts d'avoir chanté ensemble jusqu'à l'ivresse « Bauer est ma seconde maison », les supporters finissent par se quitter dans la nuit qui les avale déjà, orphelins de leur grande famille, mais ivres et fiers, tiens voilà l'hiver, dix heures ? D'accord, ivres peut-être… Jusqu'au prochain match.

 

Photographies réalisées depuis la tribune Rino della Negra pendant la saison 2019-2020 du Red Star FC de St Ouen (93).