Palette de Palerme (1/4)

Carloforte (Sardaigne, juin 2022)

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Voilà un peu moins de 48 heures que je suis arrivé ici.

Parti de Lille sous 4 degrés, j'arrive depuis Charles de Gaulle, sous une pluie fine, sur le tarmac au milieu des montagnes qui encerclent la ville et la poussent dans la mer. Je me dis que c'est une météo digne du Nord, que j'y suis familier à cette bruine, et pourtant, j'en oublie le différentiel de température, celui-là même qui m'a fait entreprendre ce « voyage », une migration sous des ciels plus cléments, pour le vagabond de luxe que je pourrais être.

Alors que j'aborde mon refuge, je pense au fait que cela fait bientôt plus de deux ans que je n'ai plus de « chez moi ». Cette année encore, ni le père noël, ni le GIGN, ne pourront se glisser dans le conduit de ma cheminée. Le mois dernier j'occupais la maison d'Anne et Romain, en lisière de la forêt de Fontainebleau et à partir d'aujourd'hui jusqu'aux premiers jours de décembre, ce sera Palermo.

J'ai un temps hésité, car l'aventure de mai et juin en Sardaigne m'a très positivement marqué. Mais tout de même, avec la fraicheur des nuits de novembre, il m'a fallu m'adapter et me redessiner un nouveau plan coïncidant à mon projet plus global (celui de faire le portrait d'une sélection d'îles de la Méditerranée) et une nouvelle façon d'aborder mes pérégrinations : à cette fin, j'ai donc loué un petit appartement individuel pour 400 euros le mois afin de, je me dis pour l'instant, essayer de dresser un portrait assez complet de ce que peut être la vie à Palerme.

En fait, avec le fruit de mes expériences récentes (traversée de la France jusque Barcelone à vélo, l'Espagne en autostop, puis la France jusque la Corse et la Sardaigne), souvent j'ai buté face au même souci : à la mi-journée, il faut sérieusement se pencher sur la question du couchage, du repos, du repas, de la tranquillité et de la sécurité, choses qui en ville, ne sont définitivement pas les plus simples à dénicher pour l'adepte du camping. La solution à ces problèmes est pourtant simple : payer. S'acheter la tranquillité sédentaire rime dès lors avec la perte de poids psychologique ainsi qu'un soulagement non-négligeable, celui du poids matériel remisait à plus tard, dans un coin de la pièce. Vous voilà enfin libre dans votre petite contrainte de temps pour vous mouvoir. C'est le choix que j'ai fait, parce que financièrement aussi, je le pouvais, et que cette ville immense, au cœur de la plus grande île italienne, sans doute le méritait.

Nous voilà au cœur d'un voyage plus ou moins immobile où je tâcherai de vous restituer le son, l'odeur, les images et les couleurs, les habitants et les paysages, les vagues et l'agitation de Palerme, pour en peindre, depuis ma palette, un tableau impressionniste et personnel.

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À quoi ressemble Palermo ?

On a tendance à la rapprocher de deux autres villes du pourtour méditerranéen, à savoir Marseille et Napoli. Je ne connais que la première mais pour ceux qui voudraient s'en faire une image rapide, j'imagine que c'est un peu ça, à la sauce italienne bien sûr. Quand on pratique quelques heures la ville, on est rapidement submergé par l'apparent chaos qui règne ici. Ça va et ça vient dans tous les sens, la circulation est impressionnante et ne semble régie que par intermittence aux règles établies pour des ailleurs, des cas de figure qui ne semblent pas être celui-ci. La chaussée est un puzzle tout aussi fou quel es trottoirs sont parfois de véritables parcours du combattant, les ruelles étroites deviennent étouffantes tant elles empilent leur bordel de bric et de broc tandis que les grandes avenues le sont tout autant avec leur circulation intarissable. Tout est ocre, marbre, gris, faute de blanc, de propre, les déchets s'étalent aux coins des rues, chiens et chats errants reniflent la truffe au sol à deux pas d'une boutique Gucci et d'une station essence.

Palerme est cernée. Qu'on regarde à droite, à gauche ou dans notre dos, ce sont de petites montagnes qui l'entourent. Et quand on se tourne vers le nord-est, là où devrait s'ouvrir la fenêtre bleue d'une mer, ce sont d'autres montagnes qui apparaissent, ces pesants paquebots ou bateaux de croisière qu'on pourrait de loin aisément confondre avec les immeubles de la façade portuaire.

Comme beaucoup de lieux en Italie, ici on respecte la pause de la mi-journée (13 à 15 ou 16 heures), ce qui peut permettre en dehors de l'été de profiter de la belle journée tout en repoussant les commissions à la soirée, car les commerces ferment généralement entre 20 et 21 heures.

En fait, plus que Marseille ou Naples, c'est à l'île d'en face (bien plus au nord) et à Cagliari que Palerme me fait penser, avec son port qui s'étend de tout son long, ses petits pêcheurs sur la digue, sa ferveur populaire footballistique (autre point commun entre toutes ces villes), et ses plages repoussées hors de ses remparts. Mélange d'architecture, faux vieux, vrai vieux, colonnes, grandes artères rectilignes où des buildings massifs côtoient des églises d'il y a dix siècles et les mendiants éternels qui vont avec, vendeurs de poisson, marrons ou légumes à la sauvette, des gens en Piaggio, d'autres en Porter, sur une Vespa d'un autre temps, à pieds ou même en calèche (si si!) qui transportent leur bazar d'un bout à l'autre de la place, ça sent la déch' à Palerme mais je ne peux pas m'empêcher de penser aux paroles d'Aznavour : « la misère est plus douce au soleil ». Pourtant, il ne faut pas laisser un certain romantisme me gagner et me berner. Il n'y a qu'à marcher un peu plus bas, derrière les grandes avenues, en direction du port, pour tomber dans les ruelles du Borgo Vecchio. Ici, de petits édifices qui ne résisteraient pas à la moindre secousse accueillent au moins autant de familles que les immeubles modestes des rues adjacentes. Les gens s'entassent dans la même pièce au soir : moitié cuisine, moitié salle à manger, on y trouve comme dernier convive invité à table un écran plat plus bavard que l'étranger. Les ruelles désemplissent, l'éclairage public s'allume d'une rue à l'autre laissant de larges portions au règne de l'ombre. Deux ou trois chats attendent depuis leurs poubelles qu'un local leur dispose un petit tas de croquettes quotidiennes, il n'y a plus que de petites échoppes exotiques ouvertes, les pizzaïolo se tiennent prêts mais la seule chose qui n'a pas véritablement changée, c'est le gigantesque concert de klaxons et d'italiens rageux issus de la circulation.

Palerme se couche à petit feu mais ne s'éteint jamais.

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Trouver une voiture à la carrosserie immaculée est un peu l'image illustrée de notre expression « autant chercher une aiguille dans une botte de foin ».

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Ici, tu as donc les vendeurs à la « sauvette » dont j'ai parlé. Souvent ils trimbalent leur stand sur des charrettes qu'ils poussent (ça c'est souvent pour ceux qui veulent te refourguer leurs gris-gris ou leurs bijoux en toc), mais sinon pour les plus évolués d'entre eux, ils ont ces Piaggio Ape ou Porter (genre les p'tits camions tout mimi typiques de l'Italie ou du Japon ou de la Corée) sur lesquels ils se sont confectionnés leurs propres installations. Par exemple, si tu vends du poisson bin tu bâches ta remorque. Et si tu vends des fruits, tu te fabriques deux étages où tu cales tes cagettes de fruits bien en évidence. Dans tous les cas, ceux-là, forts de leur mobilité et de leur petit gabarit, passent dans les ruelles en klaxonnant afin de réveiller toutes les smalas, et depuis leur mégaphone ils annoncent le prix de leurs choux et de leurs radis. Depuis leur balcon, quelques visages pointent et devisent ou négocient avec le vendeur.

Mais il y a aussi énormément de livreurs à Palerme, et pas tant d'Uber ou Glovo et compagnie, mais de boulangerie (panificio) ou bien naturellement de pizzerias ! Du coup il est pas rare de voir des sceaux remonter, du bout d'une corde reliée à une poulie, pour livrer sans que personne ne se dérange, leur butin à des clients qui ne quittent pas leur fenêtre.

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Bon alors, comme dans une grande partie de l'Italie, il y a un problème avec les détritus, et leur gestion, que tout ça, ça fait même parti d'un gros business mafieux etc, MAIS pour l'instant, la chose la plus folle que j'ai pu voir est directement liée à ce sujet : mon tram s'arrête à un feu, je regarde au dehors un éboueur seul, accrocher au dispositif arrière de son petit camion une énorme poubelle afin de la vider. Il appuie sur son bouton et bien sûr, la poubelle s'élève puis s'immobilise à l'horizontale, de sorte qu'elle ne se vide pas tout à fait. Là-dessus, l'éboueur monte dans son camion, met les pleins gaz et fonce puis freine sec deux fois, coup sur coup, afin de faire tomber le reste dans sa benne.

Maudits ingénieurs fainéants, d'où que vous soyez !

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Ma grande chance c'est d'avoir une cuisine.

Je fais mes petites courses, je vais au marché, et du coup, je mange chaque repas à la casa. Le midi c'est calqué sur le classique italien (version abrégée) : insalata + primo piatto (salade et pasta). Le soir ça part généralement en p'tit 'dwich dans une moitié de foccacia cuite au feu de bois, avec un filet d'huile d'olive, de la salade, des olives, des tomates séchées, fromage et charcut'. J'arrose tout ça d'une rasade de Nero d'Avola local, et je me sens plus italien que Berlusconi, même si ce rouge révèle à mon goût davantage son potentiel dans la tomate et le piquant.

Etant toujours embringué dans un sérieux benchmark quant à la meilleure pizzeria du coin, pour l'instant, les repas sont à la casa. Et puis on en trouve de très correctes au rayon boulangerie des supermarchés, à cuire et garnir soi-même pour à peine moins de 3 euros.

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En mode #rageux, mais quand je regarde la carte des pizzeria, la Margherita (tomate, mozza/fior di latte, basilic pour rappel des classiques) s'échange à un taux variable entre 4 et 6 euros, tandis qu'on peut trouver des Diavola (même base + salame piccante et parfois de l'oignon) à 6 ou 7 balles... en version normale bien entendu. Avec le prix moyen français constaté par votre serviteur (dans des enseignes dignes de parler de pizza en italien dans le texte), ici vous repartiriez avec le format familial sous le bras, soit quasiment un mètre de diamètre de pizz' à distribuer au quartier.

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Ici aussi, j'en ai peur, le prix de la vie a également bien augmenté. Avec deux petits « pleins » de course (dont un à Lidl chers amis consommateurs) pour faire quelques repas, p'tits déj' de champion compris (tout ce qu'il manque aux rayons italiens c'est de la COM-POTE bordel), et me fournir en huile, vinaigre, sel et poivre, eh bin on arrive quasi aux 45 euros (merci chef, mais tu t'es fait plaiz' avec cette huile d'olive bio à 6 balles non?). À ce train-là, certes je ne comptais pas particulièrement sur le fait d'économiser en venant ici mais, ayant pour principale échelle de calcul la Margherita, je vois des pizzas fondre dans le fond de mon porte-feuille...

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Croyez-le ou non, mais en plein milieu de la ville, on trouve quand même des coqs pour chanter et réveiller tout le monde avant que le soleil n'apparaisse.

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Dans le trafic, mettons qu'on arrive à un feu tricolore et qu'il soit au rouge, les voitures s'arrêtent (pour la plupart, car certaines tentent encore le diable de resquiller leur droit de passage contre la volonté des prioritaires) juste avant le passage piéton. Là, c'est les aventuriers démunis qui s'engouffrent dans un voyage peut-être sans retour (priorité ? Oui mais pour qui ? Le pare-choc de la berline ou le crâne du misérable aux semelles plates?) et on constate qu'au-dessus de cette hiérarchie binaire, les scooteurs se faufilent au-delà du passage clouté et du feu profitent de la moindre fenêtre de tir pour continuer leur course à toute vitesse.

Piéton, traverser entre les clous au vert devient une lutte quasi politique de faire valoir, défendre son droit de fouler la terre, face aux cylindrés. Leur seule langue parlée est le secret grognement du moteur dont le seul but est d'écraser toujours plus de kilomètres et tout ce qui peut l'en séparer.

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Un petit chemin raide et pavé monte une des pentes du Monte Pellegirno, au nord-ouest de la ville. Après 45 minutes de marche depuis la ville, on en est complètement sorti et l'effet de décalage y est incroyable : plus un bruit de moteur, à peine le ronronnement des insectes, des gazouillis et la nature de nouveau dans sa majesté. La vue se dégage sur tantôt un panorama bouché d'immeubles de la capitale sur autre fond montagneux et de l'autre côté, l'arrière pays sicilien. Tout est vert, doux, il fait 25 degrés, difficile de croire que c'est ici aussi l'automne.

La réserve naturelle du Monte Pellegrino propose plusieurs sentiers de randonnée aux difficultés variées qui n'est pas sans me rappeler les monts du Tibidabo à Barcelona pour leur proximité avec la ville.

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Visite (pour moi obligatoire) au cimetière communal Santa Maria di Rotoli. Après avoir loupé l'immanquable (celui de Cagliari), j'ai tiré enseignement de mes échecs passés et après consultation des horaires, j'arrive dans ce vaste lieu, en dehors de la ville, juste au bout du quartier excentré d'Arenella.

Cimetière italien assez classique, beaucoup de sculpture et de pathos, une odeur m'intrigue à l'entrée. Arrivé au fond de l'allée principale ; deux énormes tentes me le confirment, je ne me suis pas trompé, c'est bien l'odeur de la mort, du cadavre et de la décomposition que j'ai reniflé ! Sous ces tentes s'alignent et s'empilent en effet des centaines de cercueils, pour certains stockés sans sépulture depuis fin 2021. J'interroge un agent afin de comprendre : Rotoli est le plus grand cimetière public de la ville et ils font face à un cruel manque de place, donc pour les corps dont les familles ne veulent pas d'une crémation, ils sont obligés de les stocker quelque part, d'où l'existence de ces tentes mais aussi la réquisition de locaux techniques un peu partout dans l'enceinte du cimetière, d'où l'odeur inoubliable qui flotte au gré du vent.

Il y a en revanche une partie haute du cimetière quasi en friche et abandonnée au chiendent, au pied des falaises du Monte Pellegrino, très bucolique.

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Il y a via Roma (une grande avenue qui traverse la ville jusqu'à la gare centrale) un ersatz du Printemps nommé Rinascente. Pas sûr que j'en fasse une étape de mes circuits.

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Une maladie étrange se propage parmi les propriétaires de Fiat. Plus jeune, j'ai vu ce mal ravager certains hommes, mais pas aussi ciblé ni à ce genre d'échelle. Ces pauvres âmes tunent leur char de sorte que quand ils passent quelque part, sono à fond, tout le monde remarque le bon goût qu'ils tentent d'imposer aux autres. Avis aux détenteurs de Fiat Punto et de Fiat 500 (nouveau modèle uniquement), gare au loup tapi en vous.

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Quelques données :

  • Palerme compte plus de 650 000 habitants (et monte à un million en comptant sa périphérie)

  • le drapeau sicilien est composé de deux couleurs, rouge et jaune, séparés par une diagonale, et en son centre, le visage de la gorgone Méduse et trois jambes arquées représentent les trois points de l'île

  • la Sicile est la plus grande île de la Méditerranée ainsi que la plus grande région d'Italie, autonome depuis les années 2000

  • la superficie de Palerme est d'environ 160km2, à titre de comparaison Toulouse c'est 118km2 pour quasi 500 000 habitants ou Marseille 240km2 pour 870 000 habitants

  • la Sicile est la région d’Italie la moins bien équipée dans le traitement des déchets (déjà assez limitée ailleurs en Italie), je comprends que par-delà les besoins matériaux, il y a aussi toute une part culturelle et éducative à traiter qui prendra du temps à se mettre en place

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Les italiens fument énormément.

S'ils ne fument pas, ils ont fumé ou j'ai l'impression qu'ils vont fumer.

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Je constate un flux quasi constant de clients dans les boulangeries (panificio) tout au long de la journée et ce, jusqu'au soir. Je pense en avoir déjà fait la remarque pour la Sardaigne, mais les italiens font une consommation de pain assez folle (et notamment de petits pains pour préparer leur panino – sandwich garni en général de viande et de fromage – qu'ils graillent à la collazione ou au midi sur le pouce).

Les pizza des boulangerie sont parfois de très bonnes surprises. La part coûte rarement plus de 2 euros, et la pâte, comme on est en droit de s'y attendre, est aussi moelleuse qu'une fesse de chérubin.

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Autour de chez moi, outre le bar d'ultras du club de Palermo (CNI pour Curva Nord Inferiore – des gars tout à fait sympathiques jusqu'à maintenant quoique poussant la chansonnette facilement passée une certaine heure), je compte une dizaine de petits ateliers recroquevillés derrière des portes en fer. Ici on démembre des palettes de bois, là on est le soudeur ou le réparateur de scooteurs du quartier, et ailleurs on récupère tout le fourbis de la ville pour le remettre sur pieds, le revendre, ou le stocker derrière ses murs.

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Tandis que la musique électro résonne, sur le dancefloor improvisé du bar, des garçons et des filles s'embrassent langoureusement à tour de rôle. Moi, je suis dehors, à quelques mètres, et je discute avec Andrea, 24 ans.

Il m'explique l'histoire maintenant connue (mais encore débattue) du débarquement américain en 1943 sur l'île. Aidé par les connexions des émigrés italiens installés aux Etats-Unis ayant exporté leur modèle mafieux dans la Grande Pomme, le terrain leur est préparé par des résistants locaux, dont parmi eux des gens plus ou moins recommandables. Est-ce en guise de « remerciement » ou en profitant du chaos post-fascisme, en tout cas certains de ces mafieux qui rongeaient leur frein sous Mussolini accéderont à des postes clés du territoire (fonctionnaires, maires, policiers) et dès lors se réorganisera le réseau ayant souffert du régime fasciste car il entravait la toute puissance de Rome sur ses terres.

Andrea m'indique également qu'il serait avisé pour moi si je voulais en savoir plus de rencontrer des vieilles personnes pour connaître leur vécu de la cinquantaine d'années ayant suivi ce renouveau de la mafia (Cosa Nostra, ici en Sicile). Dans les années soixante, Palerme est au cœur de bains de sang réguliers et de règlements de compte qui n'épargnent ni femmes, ni enfants. Il faudra attendre les années 80 pour qu'une initiative judiciaire (menée par le célèbre juge Falcone, héros local qui sera bien entendu liquidé, avec la bretelle d'autoroute qu'il traversait) et populaire enraillent cet hégémonie mafieuse.

Un film à vous recommander : Il traditore (Le traître) de Marco Bellocchio (2019) sur la pookie qui a balancé tous ses potes et faire tomber le véritable Parrain : Toto Riina.

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Après avoir été prévenu qu'il ne fallait pas trop prendre de photos à la volée (surtout dans certains quartiers), je suis tout de même très surpris des réponses positives que je reçois quand je formule maladroitement ma demande de déclencher.

Plus encore, j'adore quand ces personnes font ce petit mouvement du menton jeté en avant signifiant leur assentiment, avec cet air mêlé d'être tout autant flatté que bon prince en me laissant les photographier.

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Encore une pensée qui me vient du bar.

On se jette de petits shots (1,50 euros) derrière la cravate et on consomme tous nos cocktails dans des gobelets en plastique (dur dur, ça donne l'image d'être un rebelle de dire au barman que vous souhaitez garder le même gobelet pour votre second round), je suis derrière la petite bande qui m'a accueillie (grâce à Ludovica, une grande et belle féline, mais qui m'a ostensiblement snobé tout le reste de la soirée après m'avoir invité à les suivre et discuté à peine quelques minutes avec moi – douche froide de l'ego), et j'observe leurs chicaneries, leurs séductions et folies. À peu près grisé par le Gin, une chose me saute à ce moment aux yeux, c'est cette énergie déployée par les siciliens pour paraître un peu mieux que leur condition ne leur permette. Je ne dis pas que c'est exclusivement sicilien, mais j'y repense en revoyant mentalement le film I soliti ignoti (1958, Le pigeon en français, casting de luxe italien), et ses personnages qui cachent par des artifices grossiers leur misère flagrante dans un pays en ruine, post Seconde Guerre. En tout cas, je remarque ici qu'on prête énormément attention à l'apparence quitte à demander au copain sur le zinc l'euro manquant pour un caffé Borgetti (liqueur d'expresso à 25 volts). Et c'est pareil au marché, avec la bouffe, ou avec les fringues, on met en valeur les plus beaux éléments, même s'il faut servir du second choix.

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Deux photographes à regarder pour Palerme :

Letizia Battaglia

Franco Zecchin

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Toujours selon notre ami Andrea, la fracture nord-sud italienne est de plus en plus générationnelle. Andrea tend à dire que les jeunes de nos jours stigmatisent moins l'origine de leurs compatriotes que celles des autres marches de la pyramide des âges. Un peu la même chanson qu'en Catalogne avec le reste de l'Espagne, en Lombardie on a l’impression de payer les allocs, le chômage et les retraites de toutes ces feignasses du Sud. Force est de constater pour ces jeunes que la (grosse marée de) merde (qui arrive) est la même partout et qu'il faut s'unir contre les chancres qui continuent de reproduire ces discours et les inégalités qu'ils génèrent pour leur propre petit confort et sécurité personnels. Fin de mon discours révolutionnaire.

On se revoit dans une semaine.

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