Fragments d’un sandwich savoureux (3/3)

Seine et Marne, mars 2022

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L'île de San Pietro est accessible depuis l'île de Sant'Antioco (à Calasetta) par un petit ferry (traghetto). La traversée dure un peu plus d'une demi-heure et vous donne accès à l'une des plus jolies villes de Sardaigne : Carloforte.

Côté histoire, on a bien retrouvé quelques vestiges hyper vieux, mais l'île ne s'est véritablement peuplée qu'à partir du XVIIe siècle, devenant un refuge à immigrés tabarquins (contrée commerçante et prospère de Tunisie où des génois avaient eux-même immigré plus tôt dans le temps – ouais c'est un peu le bordel les mercatos du bassin méditerranéen) revenus s'implanter en terre italienne grâce au bon vouloir du roi Charles-Emmanuel III et son plan de repeupler/défendre le littoral de son royaume (Charles = Carlo, Carloforte, t'as compris). Avec pour activités principales la pêche au thon ou la récolte du sel, les petites familles, qui se sont partagés la sixième île de l'Italie, sont avant tout des agriculteurs. On y mange un mélange de cuisine génoise (à base de pesto par exemple), tunisienne (couscous) et euro-méditerranéenne, sans compter qu'on y parle un dialecte proche de celui de Gênes, qui n'a rien à voir avec le Sarde ou d'autres dialectes parlés plus loin, sur l'île de Sardaigne.

La ville, elle, est somptueuse. Sur un pied d'égalité avec Bosa j'dirais. C'est un embrouillamini de rues qui serpentent, montent, descendent, escaliers, points de vue pittoresques, couleurs, linge battant au vent, vie dans les rues, bref, c'est un pur régal.

Malgré les nombreuses recommandations des locaux qui ne tarissaient pas d'éloges au sujet des beautés de leur île, le petit nombre d'habitants (moins de 6000) et une bonne flemme mêlée au sentiment de devoir profiter de la ville m'ont laissé sur un aperçu incomplet de San Pietro. Seuls points noirs que j'ai pu relever :

  • ses plages étaient couvertes d'algues puantes et poisseuses qui m'ont valu de tomber, failli perdre une godasse (si ce n'est une jambe tiens!) dans ce bourbier

  • une société de vélo électrique a semblerait-il passé un marché avec les habitants qui se déplacent tous avec ces trucs (bon, pour leur défense, quelques petites rues sont sacrément pentues)

  • mon arrivée coïncidait avec le début de la fête du thon, cinq jours pendant lesquels les touristes se bousculent pour voir défiler DJ, grands chefs, dégustations sur podium et marché aux saveurs. J'arrivais dans un havre de paix intérieure, le lendemain je découvrais une raison d'écourter mon séjour en ces lieux. Tristesse et sentiment d'inachevé avec Carloforte.


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À Carloforte, j'ai rencontré deux pêcheurs à l'oeuvre, en train de réparer leurs filets (trimaglie, trois mailles littéralement). Ils pêchent principalement du homard, partent à 4h30 du matin, reviennent après midi vendre le résultat de leur course, avant de dormir un coup puis de préparer le bateau pour le lendemain matin. L'un des deux insiste : « on travaille tous les jours comme ça, il n'y a pas de dimanche pour nous » et l'autre me montre sur sa page Facebook les côtes sardes et leur beauté, vues depuis leur rafiot.

J'ai également pas mal parlé avec Carlo, gérant d'un petit bar d'habitués où j'ai pu recharger mes batteries à loisir, ainsi que mon réservoir à Gintonic, dont le niveau était critique. Il vit seul avec sa maman qui a un Alzheimer bien avancé et dans la fratrie, c'est lui qui a écopé de la garde. Vieux garçon, il me raconte avec nostalgie un tournoi de foot avec l'équipe locale dans les années 80, près de Chambéry. Il était défenseur gauche, comme Paolo Maldini, dont je m'empresse de lui monter mon maillot de 1994, et lui, ses deux petits bracelets, achetés à un vendeur ambulant plus tôt dans la matinée, aux couleurs des rossoneri (Maldini ayant évolué toute sa carrière dans cet unique club). En partant, je repasse au bistrot, prend un dernier verre et remercie l'homme derrière son bar, en lui souhaitant de bien se porter et rester fort, Carlo, j'avais préparer ce calembour dans le secret de mes nuits.

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Le soleil tape sur les récifs de Portoscuso. Je suis seul, sans ombre, je saigne après que des coraux m'aient entayé en sortant de l'eau. Je ne sais toujours pas où aller. La mer appelle. Je pense : « il n'y a pas de rocher assez lourde pour me noyer, me couler et disparaître ».

On ne retrouverait que quelques affaires, mais au bout de combien de temps ?



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Quelques heures plus tard, allongé sur un banc, je respire silencieusement le parfum des pins maritimes. Je profite de leur ombre et me dis qu'il manquerait à cette odeur juste une petite note d'agrume pour en faire un bon parfum, qui m'apaise et me réconcilie avec la nature. J'ai perdu beaucoup de mon nez avec cette saloperie de Covid (mai/juin 2020). Et je pense à Regina, sans lien avec les faits précédents.


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Le samedi soir particulièrement, on voit débarquer dans les rues des villes un drôle de carnaval. Chaque italien ou italienne est sur son 31 pour la soirée, avec des tenues, maquillages et attitudes plus ou moins heureuses.

Evidemment, vu d'un regard extérieur à tout ce cirque, cette cérémonie hebdomadaire fait sourire, mais il semble que ce soit le vrai rendez-vous des sorties et des dragues à tous les âges. Les plus jeunes se contentant de tizer dans un coin de parc ou entre deux bagnoles (trop jeunes pour les bars ? Trop chers?) sous l'oeil désapprobateur d'adultes fardés en terrasse. Qu'importe l'âge, une tendance peut être relevée dans les looks des deux sexes :

  • les femmes repoussent les limites de leurs vêtements d'une manière ou d'une autre, y arrivent très bien, et donnent l'impression de tendre à se balader en un genre de monokini bien échancré

  • les hommes s'ancrent toujours dans cette image un peu tradi de l'italien bien sapé, chemise de marque, coupe de cheveu impeccable, pantalon clair, mocassins, lunettes de soleil et surtout montre au diamètre proprement... déboussolant !


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D'Iglesias à Cagliari, non sans difficulté, c'est Angelo, photographe pour L'Unione Sarda (canard de l'île), qui m'a finalement embarqué avec lui, ayant repéré l'appareil que je portais en bandoulière.

Après avoir échangé sur le sujet, il pousse pour me déposer et me montrer le centre de Cagliari, me donne 2-3 conseils avisés sur la ville, me montre ce que c'est que de « conduire à l'italienne » et me révèle également que la Sardaigne est la région d'Italie où l'on boit le plus de bière. Je n'en doute pas un seul instant car presque tout le monde ici consomme la bière locale (Ichnusa) et que les supermarchés ont en la matière un rayon des plus fournis, même en bière belge, ce que boit en fait toute la journée, notre ami photographe.


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Après ça j'arrête, mais à mon retour à Iglesias, deux vieilles sœurs (jumelles?) m'ont félicité parce que moi « au moins, je mettais mes déchets à la poubelle », avant de se plaindre et de me montrer du doigt les détritus qui souillaient les escaliers du passage dans lequel nous étions arrêtés. Je leur explique que c'est parce que chez nous, en France cocorico, ce ne serait pas possible de jeter comme ça ses déchets (je me mentais à moi-même) et elles pestèrent de concert sur les jeunes et moins jeunes peu respectueux et du voisinage, et de la nature. C'est terminé, je ne parlerai plus de ce sujet, vous le savez maintenant, l'Italie est sale, et « l'histoire avant plus lentement que les maladies ».


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Beaucoup d'italiens que j'ai rencontré n'hésitent pas un seul instant à me laisser leurs coordonnées, m'assurant que si j'avais le moindre problème, je me devais de les appeler.

Les chauffeurs eux, adorent faire des petits détours pour me montrer les sites intéressants qui se trouveraient sur notre route.


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J'ai vu passer, non pas les oies sauvages, mais un vol de cigognes par dessus un campanile hier soir. Cette image ne manquait pas de beauté.


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Comme un certain nombre de grandes villes, Cagliari agglomère son lot de misère humaine : sans domiciles fixes, alcooliques collés à leur banc public ombragé, drogués en plein trip sur les marches du parvis d'une église.

Partie émergée de l'iceberg, c'est sans parler de ces familles vues au marché aux puces dominical qui revendent gadgets et breloques, parmi légumes du jardin et fripes, pour joindre les deux bouts, sous la chaleur, le regard un peu las et vague, abattus.


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Les ronfleurs chroniques des auberges de jeunesse ne m'avaient absolument pas manqué. En plus de la chambre, c'était malheureusement le seul prix à payer pour rester en ville.

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J'écris depuis la terrasse d'une petite trattoria, au fond du corso Vittorio Emanuele II, Il cigno. Menu à 12€, olives amères, pains aux herbes et huile d'olive, ¼ de vino rosso bien servi et proprement savoureux sur une salade sommaire avec tomates et il primo piatto : gnochetti alla campidanese, la recette typique de pasta du sud-ouest de l'île.

Maintenant, comment est Cagliari ?

Nous sommes aux premiers jours de juin, aujourd'hui lundi, hormis les visites guidées et les groupes de touristes, la vie suit son fleuve tranquille. Hier c'était une autre mélodie. Les touristes affluaient en tout sens dans le centre ville et si je me trouvais déjà incommodé début juin, je préfère ne pas imaginer un mois d'été ici, en plus du curseur chaleur, relevé d'un cran.

La ville oscille entre immeubles en béton, ruines, immeubles en béton tombant en ruines, ruines plus antiques, et entre tout ça, le verdoyant quartier de Villanova, celui plus insalubre de la Marina (où se trouve l'auberge) et plus haut, celui du Castello, où on peine à deviner une vie locale et quotidienne. Comme beaucoup de centres historiques, la moitié est en réfection, et l'autre, louée aux touristes sous la forme de Bed & Breakfast depuis que le gouvernement italien a mis le haut l) sur les locations Airbnb. Il n'empêche que certaines ruelles sont très charmantes, que la cathédrale di Santa Maria est de toute beauté et que le panorama du haut du Bastione San Remi est sympathique.

Points noirs ? Les toutous, on l'a dit. Allemands ou français, ils trainent leurs Birkenstocks partout dans toute la ville. Il n'y a bien qu'un marché aux puces, à 4km du centre, pour les semer. Il y a bien aussi l'odeur des ordures qui marinent au sol' BOBOBO j'en ai trop dit !

Regrets ? Ne pas avoir pu pénétrer subrepticement l'ancien stade de Cagliari, laissé à l'abandon. Avoir appris un lundi le jour de fermeture hebdomadaire du cimetière de la ville (un lundi bien sûr), qui vaut vraiment le détour m'a-t-on dit. Enfin, comme toute grosse ville, discuter avec l'habitant s'avère être une sacrée paire de manche.

En dehors de tout ça, les ruines de l'amphi romain du Ier siècle de notre ère sont encore fermées au public (un projet de rénovation, parmi d'autres, lancé en 2016 à hauteur de 98 millions d'euros, en Italie, qu'est-ce qui pouvait mal se passer?), quelques personnes répondent à votre 'giorno provincial et la ville me fait penser à un mélange de Girona et de Marseille. Le cœur est sympathique, l'enrobage manque un peu d'intérêt, comme ces Ferrero Rocher, difficile d'y résister mais trop en bouffer c'est se condamner. Allez, pour ma part, j'ai bien mangé, j'ai bien bu, j'ai la peau du ventre bien tendue, merci petit Jésus.


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Assurez-vous de ne pas être myrmécophobe si vous venez en Sardaigne. En effet, des fourmis (plus ou moins envahissantes) en sont les principales habitantes.


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Toujours plus de fatigue.

J'avais planté la tente sur un versant tout proche de Nuoro. J'ai craqué nerveusement en entendant les bruits de la nature et vu des traces du passage de sangliers. J'ai désormais une peur bleue des sangliers. Je n'arrive pas plus à me raisonner qu'à dormir en pleine nature dorénavant. J'ai dormi sur le perron d'une église, de 2 à 7h, par intermittence. J'aimerais juste pouvoir me reposer.

Ce genre de voyage vous demande d'être toujours prêt et alerte, de faire attention à tout ce qui peut vous arriver. C'est épuisant.


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J'ai reçu un message ce matin m'apprenant le suicide du cuisinier parisien qui m'avait accueilli chez lui et sa compagne, près de Cargèse, en Corse. Cela faisait plusieurs jours que j'essayais de le joindre. Je suis choqué.


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Deux italiennes en terrasse viennent de finir leur affogato (café avec glace vanille). Deux autres arrivent à leur rencontre en remontant la rue :

— (les premières) salut les filles, un p'tit café ?

— (les secondes) on est déjà en retard pour le boulot !

Elles partagent une tasse toutes les quatre en discutant librement, bientôt rejointes par d'autres passantes.

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En automobile, la ceinture semble tout à fait facultative partout, sauf en ville, où elle est seulement recommandée, en cas de contrôle de police.


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Dormir sur un banc en pierre, à l'ombre du parfum d'un tilleul.


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Six ou septième verre de Cannonau offert par Luciano.

Vin rouge, 14 à 16 volts, 15 ou 16 heures.

Luciano ressemble au Harry Dean Stanton de Paris Texas. Il m'a prit en stop avant de me demander si ça me dérangeait qu'on s'arrête 5 minutes dans un bar sur la route, cinquante mètres plus loin. Ce fut le premier d'une belle série, lui d'abord à la bière, finalement au vin, revenant d'un restaurant la bouteille à la main directement, puis rejoint par d'autres sardes... et de leur bouteille. Bref, ça fait un moment que je ne tiens plus les comptes.


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Je pensais que c'était des conneries de pilier de bar d'Iglesias mais c'est bien le mistral qui souffle en permanence en Sardaigne. On dit ici que c'est « le vent de Lyon ». Interrogé à ce sujet, Laurent, mon spécialiste es-sudiste, précise :

« il se forme au nord de la vallée du Rhône et se renforce tout au long de sa descente entre Vercors et monts d'Ardèche pour s'étaler de toute sa force jusqu'au delta puis sur la Méditerranée, rendant la navigation côtière souvent hasardeuse ! »


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Lors de mon séjour linguistique à Florence, il y a un peu plus de dix ans, je logeais dans le centre-ville, chez une vieille dame qui s'appelait Teresa. Je pense que je me souviendrai longtemps de son accueil, car après ma descente de l'avion, arrivée en wheel pour le déjeuner chez elle, je m'asseyai à table et là :

  • un p'tit peu de pain frais et d'huile m'attendaient, ayant un peu faim avec le voyage, je bouffe 2 ou 3 quignons

  • arrive l'entrée (l'antipasti) une salade de tomates, mozza et du basilic, les couleurs du drapeau sont là, on est bien en Italie

  • vient ensuite l'assiette de pasta (primo piatto, j'ignorais que ça s'appelait comme ça à l'époque, ça m'aurait mis la puce à l'oreille), ils ont des formes et des sauces différentes pour chaque jour

  • je me prépare à sortir de table, ayant bien et suffisamment mangé et là, Teresa débarque, me regarde mi-gros yeux mi-consternée, tandis qu'elle tient un plat contenant un poulet roti sur son lit de patates, tout juste sorti du four

  • ensuite, ce devait être de la glace ou un fruit, ma mémoire me fait défaut mais c'est plus d'un digestivo dont j'eus eu besoin à ce moment-là

Tout ça pour vous dire qu'à midi, traditionnellement, on mange beaucoup en Italie. Pourquoi ? Parce que je pense qu'avec leur rythme quotidien décalé et le travail (historiquement plutôt physique) fatiguant, en plus de ne pas être à fond dans le petit-déjeuner, ça creuse !


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J'embraye sur le rythme de journée des italiens. Je l'ai déjà dit, ici on respecte encore la pause méridionale pour les commerces. Les heures les plus chaudes de la journées sont réservées à la siesta. Mais en ville comme à la campagne, les journées commencent très tôt et finissent tard. Je ne sais pas ce qu'ils ont mais les coqs sardes commencent leurs vocalises entre 4 et 5h du mat'. Dans la nuit, y'a forcément à un moment un p'tit concert de clebs qui se répondent d'un bout du bled à l'autre plutôt que de s'envoyer des SMS comme tout le monde, puis vers 6h, les premiers travaux agricoles débutent. Les tracteurs vont et viennent plein gaz, les moutons sont conduits au pré, le voisin commence à tondre sa pelouse, bref, la journée est lancée. On mange un panino pour la collazione vers 9 ou 10h, vers midi peut se prendre un aperitivo, style campari soda, et le pranzo, le déjeuner, se fera plutôt à partir de 13h, devant le JT (ça c'est assez ouf mais partout où je suis entré, la télé était allumée). La fi nde journée, fermeture des commerces, se situe plus entre 20 et 21h (parce qu'avant on s'envoie un p'tit canon au bistrot), et à partir de là, cena, le souper, et on va se coucher plus ou moins avant minuit.

Heureusement, il y a les petits expresso pour tenir la route toute la journée, dans les bars on en sert, et il en est bu, jusqu'à la fermeture.


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V ( o u l ) o i r

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Benvenuti in Barbagia !

Passage par Nuoro anecdotique mais obligatoire depuis Cagliari, je suis conduit par Luca dans un des deux villages mythiques et traditionnels de la région. La Barbagia tient son nom de l'époque romaine, c'est là où vivaient les autochtones non-civilisés d'après l'empire, les barbares donc.

Plus tard dans leur histoire, les deux villages de Mamoïada et Orgosolo (deux et six milles habitants) feront parler d'eux pour leur banditisme (aujourd'hui ça semble un peu guignolesque de parler de bandit, mais j'ai rencontré une dame à la cinquantaine qui avait perdu père et frère, assassinés dans leur vigne). Ici, entre les monts et les bergeries, s'étendent les pieds à raisin les plus fameux de l'île. Le cannonau (cépage sarde) qui y est produit est réputé dans toute l'Italie et sa production se fait à la fois à moyenne échelle via des coopératives ou vignerons patentés que, ce que j'ai surtout vu, par de petits particuliers passionnés tirant environ un millier de litres annuels de leurs coteaux encerclant le village.

Comme tous les petits villages, tout le monde se connait plus ou moins, ce qui s'est avéré bien pratique dans mon cas et pour mes recherches. « Un artisan ? Il est chez lui ou à son atelier, juste en face, à cette heure-ci, viens j't'y conduis ! » Et vous voilà embarqué, direction la fraicheur d'une cantina (où se fait le vin) de la personne indiquée.

Ce qui m'a vraiment marqué dans ce village de Mamoïada, c'est la générosité, l'accueil et l'hospitalité tout particulière de ses habitants. Je visite l'atelier de la personne qui fait les masques du carnaval qui fait la réputation de la ville, son père m'invite à déjeuner. Je visite l'atelier du coutelier, il me loge et me nourrit deux jours durant. J'assiste à la tonte des pecore(ces chèvres qui donnent le lait nécessaire à la fabrication du fromage pecorino), on me demande de rester pour le repas et on m'héberge pour la nuit. Incroyable.

Comme tout le reste de la Sardaigne (et de la Corse aussi), il y a une réelle défiance envers l'étranger, mais pour peu que vous les perciez et que vous montriez de l'intérêt pour leur île, leur culture ou leur activité, dès lors, vous êtes accueillis à bras ouverts.

Le carnaval de Mamoïada en l'honneur de Saint Antoine est en janvier. Il n'a de carnaval que le nom puisqu'il tient plus de la procession païenne que d'une vautrerie, car seules quelques personnes sont déguisées et défilent dans la ville. D'un côté, vous avez les Issohadores, figure du berger, masqué de blanc et vêtu en rouge. De l'autre, les Mamuthones, sous leurs laines, pardessus et masque noirs. Dans une chorégraphie millimétrée et répétée tout le long de leur parcours, ils font résonner ensemble les cloches qu'ils portent fixer dans leur dos dans le but d'effrayer et éloigner les mauvais esprits et laisser le village et ses terres saines, prêts à accueillir une bonne et nouvelle récolte.

Nécessairement, avec un folklore comme celui-ci, popularisé en dehors de l'île à partir des années 60, le village est devenu à la fois un centre d'artisanat important pour perpétuer ses traditions de création de masque en bois ou costume en laine, inspirés des tenues de bergers, mais aussi un point de passage obligatoire pour les touristes qui s'aventurent dans le centre de l'île.

Juste à côté, le village d'Orgosolo est lui célèbre pour ses muralles (fresques) peintes sur les murs de la moitié des baraques. Plus grand, plus touristique aussi, Orgosolo est encore un de ces labyrinthes de petites rues où se perdent les cars à touristes. Heureusement, des peintures de Marx et Engels, des caricatures de dictateurs, des messages de paix sur fond de foule victorieuse, soit globalement toute l'imagerie historique de gauche, sociale et solidaire et de lutte des classes s'y observe.

Je suis resté une semaine à Mamoïada alors que je ne devais y rester que deux jours, je pense que ça en dit long sur mon expérience sur place. Pour finir, quelques mots sur les artisans que j'y ai rencontré :

  • Paolo est un coutelier d'exception qui fait absolument 100% de l'objet depuis son petit atelier. Le couteau pliant sarde est un outil tranchant de tous les jours pour cette population encore largement paysanne. Combien de temps lui faut-il pour forger une de ces merveilles ? 33 ans et 2 jours. 33 ans d'expérience et deux jours pour tailler la lame, polir les cornes qui composent le manche et assembler le tout.

  • D'abord amoureux du bois puis ébéniste, Ruggero s'est mis petit à petit à sculpter les masques du folklore de son village (même si lui, n'a jamais participé au carnaval). Depuis la bûche jusqu'au vernis final, il faut compter 2 jours de travail puis attendre 2 mois pour que le masque puisse quitter l'atelier familial. Aujourd'hui à la retraire après 50 ans de métier, Ruggero a passé la main à son fils Daniele et s'occupe de son vin et de ses petits enfants.

  • Frère de Ruggero, Mario est berger. Même s'il a commencé comme son frère par le bois et que son père avait quelques vaches, c'est son beau-père, malade, qui lui légua la charge de s'occuper de son troupeau de brebis et ce, depuis maintenant 39 ans. Il a maintenant environ 130 têtes qui paissent dans ses prés et une quinzaine d'agneaux qui naissent chaque année. Il lui faut traire ses bêtes une à deux fois, tous les un ou deux jours suivant la saison, avant de reverser le lait à une coopérative. Loin de l'image du berger parti en transhumance ou dans les alpages, les chiens ne servent à Mario qu'à garder la propriété et surveiller les petits derniers. Mario est également l'un des quatre ténors du groupe de chant du village, avec lequel il a pu se rendre dans à peu près toute l'Italie et même une fois en France. Berger est un métier difficile, pas parce qu'il faut parler sarde aux brebis mais parce qu'il paye beaucoup moins bien depuis l'euro, qu'il faut commencer très tôt (5h) et qu'il laisse un creux important dans la journée. Physique, notamment pour le dos à cause de la traite manuelle des animaux, Mario est fatigué, mais la retraite n'est que dans quatre ans.


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Plus qu'ailleurs, dans ces villages tout le monde parle et se parle en sarde, ce qui pour l'étranger que je suis, peut donner lieu à de longs moments de flottement et de solitude où vous ne pigez pas un mot de ce qui se dit.

Par ailleurs, dans ce coin, ils ont un tic de langage marrant qui sort à la fois en sarde et en italien (avec lesquels ils jonglent au sein d'une même phrase de façon déconcertante). C'est une onomatopée qui fait : « bouw », cela ponctue leurs dialogues et signifie « je ne sais pas ».

Bouw.

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Plusieurs fois, certaines personnes parlaient d'ailleurs en campagne (campania). Je ne comprenais pas bien car je pensais que nous y étions déjà, en campagne, mais cela signifiait en fait, aller dans la « résidence secondaire », la cabane ou le terrain où la plupart des habitants plantent des vignes, des arbres fruitiers ou leur potager. Le prix des terres ne doit pas être exhorbitant car il semble que bon nombre d'habitants possède ce genre de lieu de travail, repos ou nature.


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Si le sujet vous intéresse, je vous recommande le photographe Pablo Volta qui a fait des photos de la Sardaigne des années 50 et 60, avant de s'y installer définitivement à la fin de sa vie.

Même topo pour l'allemande Marianne Sin-Pfaltzer qui est tombée amoureuse de l'île et a photographié ses habitants dans ses villages les plus reculés à la la même période.


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À beaucoup de personnes à qui j'ai parlé et expliqué ma démarche, j'ai demandé si ça leur plairait de faire un peu comme je fais moi. Quasiment tous m'ont répondu qu'ils n'avaient de « vacances » que pour noël et Pâques et que le reste du temps, le travail ou les finances les empêchaient de penser à autre chose.

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Les photos vous montrent ce que j'ai vu.

L'écriture ce que j'ai compris ou entendu.

Mais pour le parfum, je ne peux définitivement rien faire.

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Un peu moins de 6h du matin, et le soleil pointe sous un drap de couleurs pastelles par dessus les montagnes. Mon ravissement se confond au chant des oiseaux qui assistent gaiement à ce simple spectacle quotidien.


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J'ai mangé du sanglier, de la brebis et de l'âne ces derniers jours, mais toujours dans des assiettes en plastique, pour lesquelles les italiens semblent vouer une véritable passion.


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Envoyé à plusieurs médias, mon article sur la manifestation corse où je fus blessé n'a trouvé qu'une seule réponse, négative mais sympathique (de Libé), au reste, du silence.


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Parfois j'éprouve une très forte nostalgie pour l'environnement où des personnages de jeux-vidéos ou de mangas évoluaient. Comme si je voulais retrouver ces moments ou leur effet, que mon imaginaire se repeuple de ces souvenirs agréables.


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Mes chaussures sentent l'iode et le rat crevé. J'en ai honte.


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Après un bref passage à Olbia qui me confirme que la ville n'a pas grand intérêt (les Sardes en parlent comme d'une ville façade pour sa Costa Esmeralda très riche et prisée, et de fait, le port, l'aéroport, et les nombreux travaux en ville vont dans le sens de cette évolution tendant à la rendre plus attractive et accessible), je suis finalement conduit par Barbara, baba cool retraitée allemande assez high pour n'être jamais redescendue du mur berlinois, à Palau, petite station balnéaire du sud de l'Allemagne, pardon du nord de la Sardaigne. Villages privés à l'intérieur du bled, port de plaisance bondé, plages squattées par des hommes et femmes écrevisses ébouillantés, j'ai tôt fait d'expédier cette ville d'où part le ferry pour l'isola de La Maddalena dans le tiroir des immondices touristiques quand depuis mon poste sablonneux solitaires, des yatchs (on dit “iote” en français), des voiliers au pavillon hollandais exhibant ses jeunes propriétaires en maillot, ses hors-bords et canots filants l'azur crânement, passait devant mon dégout de ces lieux habités, que je quittais rapidement.


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Lorsque vous franchissez le pont et arrivez sur l'île, un panneau avertit l'italophone d'un simple mot « cinghiali ». De petits pets humides ont pu être constaté dans mes culottes à ce moment, se transformant en fanfare collante et peu agréable quand, parti m'engouffrer dans les sentiers menant au cœur de l'île, je constatais les dégâts causés de part et d'autre du chemin par les-dits phacochères. Une marche sous le soleil me conduisit jusqu'au hameau de Stagnali, composé d'une quinzaine de baraques. Je me disais que dans le patelin, même si je faisais une croix sur la toile de tente avec vue, je dormirais au moins tranquille, et quelle ne fut pas ma déconfiture quand je vis le remue-ménage opéré dans les parterres de l'unique commune de l'île par toujours ces mêmes coupables (les sangliers, je précise pour éviter toute confusion). Ici suées. De type abondantes, parce que ces groins osent tout et que c'est même à ça qu'on les reconnaît. À part dormir en équilibre au sommet d'un pic rocheux ou dans un nid d'oiseau, si un sanglier a décidé de vous chercher des noises (ou des noix), il ira jusqu'à nager ! Nul ne peut leur échapper, à moins d'avoir un rafale sous la main ou quelqu'autre engin volant chargé d'une bombe assez puissant pour éradiquer ces saloperies de la carte. Bref, j'arrive au port de Stagnali, plaisir, baignade, et je remarque cette petite barque blanche délaissée mouillant à quelques mètres d'un ponton des plus branlants qui soit. Après un coucher de soleil sublime, je me fonds subrepticement avec mes affaires en direction de ma cible et embarque. La seule chose qui m'a échappé dans l'aventure, c'est l'humidité qui retombe quand on dort sur l'eau ou tout proche, sachez-le, j'étais trempé au réveil, même si l'essentiel était que mon plan brillant avait fonctionné, des bruits de sangliers oui, il en a été ouï, de bagarre, il n'y a point été question.

Le lendemain matin, en attendant que mes affaires ne sèchent, profitant de ma nouvelle habitude qui est de dormir sur les bancs en pierre, le jeune Francesco me porte un café et un dolce (un gâteau, une sucrerie) tandis que sa grand mère Rita me salue de chez elle, je meurs.

Plus tard, je me dirige au musée qui fait la renommée de l'île. À l'accueil, je me vois refuser l'entrée car le paiement ne se fait qu'en cash et qu'il me reste à peine plus d'un euro en contenti (liquide). Une collègue part me retrouver dans la cour quelques instants plus tard avec un billet « gratuit », tout me sourit décidément aujourd'hui.

La maison de Giuseppe Garibaldi (ancien général, grand artisan de la République italienne, équivalent d'un Jaurès chez nous) se visite donc et n'a présenté à mes yeux que peu d'intérêt outre ses habitants félins sauvages (une cinquantaine d'après mes sources) et une tortue dans son jardin. La visite est très guidée, aucune possibilité de sortir des balises, assez peu de choses à apprécier, bref, rien de mémorable. À la sortie, après avoir suivi pendant 24h les petites crottes essaimée tel un Petit Poucet crado sur la route, je finis par tomber sur un groupe de chèvres qui rompichent à l'ombre d'un bosquet, car oui, en vérité, les capre (chèvres) ont donné par leur nombre et présence endémique, leur nom à l'île de Caprera où nous sommes. Après cette rencontre et une dernière baignade, me vient à l'esprit que je suis sorti vivant de l'île de Cinghialera et non de Caprera. Ils sont absolument ces cons (de sangliers) et pour l'instant ce ne sont pas les plaintes du contribuable italien qui vont changer quelque chose à l'affaire.

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En Italie, on précise que beaucoup de produits sont sans gluten, dont l'Ice-Tea par exemple. C'est un argument de vente indéniable en sa faveur.

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Ici, on se signe encore souvent lorsqu'on passe devant une église.


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Autostop : ne jamais espérer plus d'un regard du (nouveau) riche au volant de son SUV Jeep.


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L'Iphone est tombé dans la mer à Palau. Deux pets sur la vitre, une prise de charge capricieuse et un micro intermittent sont le résultat de ce petit plongeon. J'allais écrire prix à payer à la place de résultat mais non, ça ce sera pour plus tard, même si je m'en sors plutôt bien aujourd'hui.


XXXXXXXXXXXXIII

Fatigue.

Enervement.

Agacement.

Haine et mépris.

De soi, des autres.

Fatigue.


XXXXXXXXXXXXIV

Si la Costa Esmeralda (rien à voir – du tout – avec la gitane) est la couronne de la Sardaigne alors La Maddalena est son joyau le plus précieux sans doute. Acquittez-vous d'un aller-retour d'un peu plus de 6 euros pour visiter l'île qui fait face à Palau. Sans véhicule, difficile d'en faire le tour, mais après avoir vu Carloforte qui lui ressemble en quelques points, difficile d'être ravi de ce voyage sauf si on est fan hardcore des plages carte-postale, sable fin, eaux turquoises et la fréquentation attendue qui va bien.

Du reste, un élément a quand même beaucoup biaisé mon jugement de l'île (qui m'avait été recommandée dans l'épisode 1 de notre aventure par une vieille dame, souvenez-vous) et c'est que grosso merdo une bonne moitié d'elle est réservée à toutes les espèces de militaire encore en vie. C'est simple, une fois sur deux, quand vous regardez un panneau, il est marqué « Zone militaire, défense d'approcher ». Avec cette présence anxiogénante, difficile pour moi de jouir de l'île. Et ce n'est malheureusement pas une gentille mamie et sa fille qui tiennent une supérette aussi charmante que dans son jus, qui vont sauver la mise, tant pis !


XXXXXXXXXXXXV

Comme on arrive à la fin de ce voyage, il me reste peu de choses à vous dire, mais l'une d'elle est assez délicate à aborder.

Maude m'a dit un soir « t'as de la chance, c'est super ce qui t'arrives {cet accueil chez les gens} car je suis pas sûre que moi {femme} j'aurais pu vivre les mêmes choses ». Ça nous amène donc sur ce qu'on pourrait appeler une différence culturelle, à savoir la place de la femme et sa considération, aussi bien sur l'île de Sardaigne, qu'en Italie, en Corse, dans une grande partie du bassin méditerranéen en fait.

Pendant tout mon trajet, force m'a été de constater la place discrète des femmes, à la fois dans le travail, mais aussi dans l'espace public. Traditionnellement, elles ont toujours la place de celle qui tient et ordonne le foyer, s'occupe des enfants et des commissions pendant que l'homme est au travail et gagne l'argent nécessaire à maintenant le ménage / la femme otage de sa situation de dépendance financière. Ce qui est certain ,c'est que j'ai été accueilli par ces hommes que j'ai rencontré comme un des leurs, et ce, de manière indéniable. Je n'eus pas du tout reçu le même accueil je pense, si je ne montrais pas de manière physique involontaire ou d'attitude, une forme de « patte blanche » à l'entrée du groupe. Que se serait-il passé ? Impossible à dire. Toujours est-il que les micros sociétés dans lesquelles j'ai pu – très furtivement – évolué, ne semblent pasl aisser beaucoup de place à la « nouveauté » ou à la différence.

Pour exemple, le repas qui a suivi la tosatura à Mamoïada a été préparé en partie par 2 femmes et 2 autres hommes, pendant que les autres tondaient les brebis. Une fois à table, ce sont les femmes qui s'occupaient de tout, du service, du changement des plats, tout en mangeant, en discutant avec les autres, et j'ai envi d'ajouter ici, d'égal à égal, car elles menaient aussi bien la discussion que certains à table. À chaque fois que je les ai aidé elles me disaient automatiquement « non non, reste assis, reste tranquille, on s'en occupe », mais je le faisais quand même pour leur alléger la tâche et j'étais bien le seul (peut-être à ne pas avoir aussi vraiment travaillé ce jour-là). À la fin du repas, après la vaisselle et le ménage, elles étaient les dernières à quitter les lieux et, vraisemblablement pensais-je, les premières à s'être levées ce matin.


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Après une nuit de discussion avec les sangliers de Santa Reparata (hé Manu, tu descends?), je prends la route de Capo Testa, presqu'île à proximité de Santa Teresa. J'y recroise Barbara qui descend aux commissions tandis que moi je monte à la Valle della Luna, célèbre endroit géologique et sociologique. Ses formations rocheuses, sculptées par la mer et le vent sont assez incroyables, tout autant que ses petites plages secrètes où depuis ses eaux claires on peut suivre des yeux les poissons joueurs. C'est aussi un lieu qui, grâce aux cavités creusées naturellement avec le temps, accueille depuis les années 60 une « communauté » à l'époque hippie, aujourd'hui, chevreuil, babos, camée, comme vous préférez. Entre deux ou trois keirns (empilement de cailloux) des stands sommaires de vente de bijoux, poteries et coquillages à prix libre, vous vous retrouverez au milieu d'un endroit surprenamment bien préservé mais pas des touristes (allemands, cela va sans dire).

Je n'en saurai pas beaucoup de ces gens qui vivent à la fraiche entre les falaises, Barbara m'avait prévenu que c'était un peu spécial comme lieu et moi, je n'ai les yeux rivés sur la mer et en face, bien visible, l'île de Corse.

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Santa Teresa est ma dernière étape de ce voyage puisqu'on y prend le ferry pour la Corse depuis son petit port.

Pas grand chose à dire de cette ville, si ce n'est d'éviter la gelateria Conti où la nana me érclame 6 ronds pour un moins bon milkshake que partout ailleurs. Quand je lui fais remarque que la veille encore, à La Maddalena (qui n'est pourtant pas un îlot de merde de chat) je le payais 3,50, elle me regarde droit dans les yeux et ne démords pas « ici c'est la Costa Esmeralda, et si j'te dis que tu te fais baiser visage pâle, alors on fait comme je dis, et j'ajouterai, que dans ce monde, y'a deux types de personnes, ceux qui ont un pantalon et ceux qui ont un flingue chargé, alors tu me tombes ce pantalon blanc-bec ».

Pour la nuit, je me dégote un hôtel 3 étoiles avec piscine – abandonné certes. Je me cale sur un de ses balcons, persuadé qu'enfin je vais pouvoir passer une bonne nuit, puisqu'ici, impossible que les sangliches viennent m'emmerder. C'était sans compter que le fond de la piscine soit un repère à grenouille et amphibien de tout bord, qui ont fait des vocalises de 22 à 3h30 (car ensuite ce sont les coqs qui prennent le relais) et voilà, je monte dans un ferry, usé, le mec de la sécu me laisse passer comme un fantôme, sans me contrôler, et je devine un soupçon de honte chez lui, parce que son scanner ne semble pas fonctionner aujourd'hui. Je monte, je m'endors sur une banquette pour ce trajet de moins d'une heure et au bout, je retrouve l'île de Beauté, et inchallah un taf pour l'été.


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Pour ceux qui ne l'ont pas oublié, mon dentifrice aura tenu jusqu'au bout de ce voyage, mais je n'ai jamais autant raclé la fin d'un tube.


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Durant ce périple d'un mois, j'ai perdu l'embout en plastique du mât de ma tente, un petit cache en plastique du Leica, l'Iphone a bien morflé, le sac Millet aussi et mon compact Konica ne veut plus rien savoir.

J'ai fait une douzaine de pellicules noir et blanc et deux en couleurs, ça faisait longtemps que je n'avais pas autant photographié, résultats en septembre.

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Je n'ai pas beaucoup parlé de football parce que je n'ai pas eu l'occasion d'en voir malheureusement. La ligue italienne (Serie A) jouait sa dernière journée de rencontres peu après mon arrivée sur l'île, Cagliari jouant ainsi à Milan sa relégation en division inférieure (Serie B), vécue amèrement par les supporters de toute l'île sarde.

Par ailleurs, il m'a été répété plusieurs fois qu'un des symboles et une des plus grandes fiertés de l'île n'était autre que l'ancien footballeur Luigi « Gigi » Riva, attaquant lombard ayant fait les belles heures de la Nazionale (meilleur buteur pour l'équipe d'Italie, 35 buts) et ayant évolué presque toute sa carrière au club de Cagliari, lui faisant remporter son seul et unique trophée en Serie A. Outre l'aspect footballistique, Riva est respecté et adulé dans toute la Sardaigne pour son amour de l'île (puisqu'il y vit toujours) et de ses petits patelins. Il m'a été ainsi dit à plusieurs endroits que le jour où Gigi Riva mourrait, ce serait un jour noir, un deuil sans précédent pour la Sardaigne et plus important que partout ailleurs en Italie.


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Vous ne le voyez pas mais de manière très symbolique, nous sommes sur la dernière des 96 pages du petit cahier d'écolier dans lequel j'écrivais ces fragments.


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Bande-son : Pino D'Angio – Okay okay

Sardegna stati bene perche ci rivediamo pronto !

Et merci à vous pour votre lecture.

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