Breakfast in America (1/5)

J'ARRIVE APRES LES TOURNESOLS

Je redescends par un matin frais de la montagne.

À main droite, se découvre entre les futaies un Mont-Blanc dérobé des nuages qui le cachaient ces derniers jours. Je ne pensais pas le revoir avant mon départ, quand bien même mon train m'emportait à ses pieds, de Saint-Gervais. Et après deux mois de boulot, le vélo est de nouveau attelé, chargé. Je suis crispé sur mes manettes dans le fin lacet qui se défait jusque la gare et pour cause, je n'ai pas changé les plaquettes de frein comme j'aurais voulu le faire, ni mes pneus bien usés, j'ai remis ça à plus tard, comptant sur ma bonne étoile pour ne pas crever sur la route qui m'attend. Cette route je l'ai dessiné histoire de mettre un point final aux 2700 bornes (j'ai eu le temps de compter depuis) faites entre Lille, la Sardaigne, la Corse, puis de Toulon à Valence ce printemps, alors comme pour faire signe de continuité, je la reprends de Valence, pour finir quelque part dans le nord, Arras, Lille, je ne sais pas bien encore mais ce sera Paris, faute de temps.

Je remonte le Rhône dans un premier temps. Après un petit passage par Annecy où je rends mes hommages au lac que j'adore, je descends du TER à Romans plutôt que Valence (quelques dizaines de bornes plus au sud), puis retrouve rapidement mes marques le long de la Via Rhona quasi déserte. La météo est superbe, peut-être un peu trop, pas un pet de vent, un soleil de plomb et une chaleur étouffante. Moi qui m'imaginais repartir sous les trombes d'eau, je préfère quand même ça. Mais de l'eau, il m'en faut, même si je la toise tout le long de ma route, il faut que je me rationne et que je fasse attention à mes efforts car par cette température, c'est à peu près tout ce que je peux avaler. Je pose le campement dans une vigne de blanc à Chavanay et je redébale mon attirail avec les mêmes gestes d'antan, cherchant la course du soleil du matin et imaginant comment faire sécher la toile de tente pour repartir prestement.

Je mets le cap sur Lyon où je déjeune avec Jerem dans un libanais. Je rêvais depuis plusieurs mois de taboulé. Je salue Paul et Marie au passage, déguste une glace en regardant les filles, leurs poitrines gonflées du désir de vivre. Quitte à passer par cette grande ville (que je n'aime pas), je mets à profit sa gare pour me déposer un peu plus loin sur la route et ainsi je descends à Chagny, à quelques kilomètres de coteaux que je connais bien. Je retrouve à quelques coups de pédales de là Chassagne-Montrachet et son château, et les deux vignerons que j'étais venu resaluer en mai dernier, Nathalie et Sébastien, en pleines vendanges cette fois. Je pose la tente dans le jardin, tandis que les jeunes ouvriers agricoles fêtent sagement leurs efforts déployés pour boucler une nouvelle journée de cueillette sous le cagnard. Je pars à la conquête des bosses bourguignonnes le lendemain matin, avec un cap clair, si j'y arrive : 120 bornes plus loin c'est Marmeaux et la petite famille d'Amandine et Tristan qui m'avaient eux aussi accueilli à l'aller. Le revival tour continue ! Après une quiche lorraine à Pouilly-en-Auxois, je renoue avec l'eau et longe le canal de Bourgogne, que je recommande pour toutes vos randonnées amateurs. C'est beau, c'est simple et pas difficile d'accès, de Dijon à Beaune, y'a un beau voyage à s'organiser. Objectif atteint au soir, je constate de l'avancée des travaux et partage un repas dans le jardin du couple. Le lendemain, rebelotte, 120 bornes au menu, dégustées sans rechigner (avec une jolie pause à Tonnerre) malgré l'entrée en région parisienne perceptible par les mines creusées des locaux et les paysages qui recèlent un je-ne-sais-quoi de déprimant caractéristique à l'Île-de-France. Un dodo le long de l'Yonne à écouter les voitures de la départementale roucouler toute la nuit et cap sur Sens, Moret et patatra, me voilà à Thomery, chez Anne et Romain (absents crédieu!) pour profiter du calme et du frais de leur petite maison de pierre deux nuits. De Paris je prends un train pour Arras et boucle mes derniers kilomètres de l'année à bicyclette, vers chez mes tantes, où je fais mon paquetage pour mon expédition future (qui est dans quelques jours en fait, je ne le réalise pas totalement).

Retour à Lille, quatre jours, le temps de voir quelques amis, et constater que la ville s'enfonce dans sa direction bourgeoise seulement chahutée ces derniers temps par l'héroïne la plus compétitive du territoire et qui attire à elle des populations abandonnées à elles-mêmes (on préfère cadrer le mondial du rugby ces jours-ci, voilà un problème politique et une façade plus reluisante à défendre).

Seine-et-Marne, quelques jours après, l'ouverture de la Maison La Famille de Faustine et Armand. Je me demandais ce à quoi ça allait ressembler une fois finie, et j'étais loin de me douter du superbe résultat de ces trois années de travaux acharnés (auxquels j'ai participé modestement à quelques reprises). Concerts, repas exceptionnel, camping et mon premier DJ set en public (pas une réussite, mais on prend quand même pour la case à cocher de ma LIFE TO DO LIST). Un Orlyval en panne, deux courses de taxi exorbitantes et une casquette Hélas perdue plus loin, nous voilà, chers amis, aux Etats-Unis.

POURQUOI LES INDIENS D'AMERIQUE SONT-ILS NUS ?

Parce que Christophe Colomb les a découvert.

C'est la première blague dont je me souvienne, un véritable témoignage Carambar d'époque, une blague qui ne fait pas rire mais doucement sourire parce qu'elle décèle une certaine finesse après tout, mais bien loin de la promesse de se taper sur les cuisses vantée par l'emballage collant. Je pense à cette blague, et je pense naturellement à l'Amérique, et à sa promesse elle aussi. Double, celle qu'elle incarnait à l'époque, bien avant moi, la nouvelle vie, tout est possible, repartir de zéro prochain arrêt the top ; mais aussi plus concrètement, est-ce que l'Amérique est comme je l'imagine ? Je veux dire, produit de tout ce que j'ai pu ingurgiter à son effigie, l'image entière qu'elle s'est fabriquée via sa culture et ses produits exportés qui ont nourri par ses films, ses groupes, ses artistes, sa littérature ou encore ses jeux-vidéos des générations comme la mienne. Comme je ne pense pas encore beaucoup plus loin que New York dans mon entreprise, je dois dire que celle-ci m'évoque irrémédiablement quelques références. Et comme nous sommes sur l'internet mondial, je vais pas me gêner pour vous refourguer quelques liens que vous pourrez creuser si le cœur vous en dit, rapport à ce que cette ville fait résonner en moi. En vérité pourtant, si vous me demandiez il y a encore trois ou quatre années si je voulais venir aux States, eh bien ma réponse (outre billets prépayés brandis sous le nez) eût été peu convaincante. Parce que malgré mon appétence pour la culture qui en émane (entendons plutôt par là, les marginaux qui ont réussi à faire des trucs de leurs dix doigts), l'image internationale des USA est assez peu reluisante. Post septembre 2001 (et même si ça avait commencé avant, dans le Golfe, en Asie ou en Amérique Latine), l'Amérique part en live complet tel un politique entarté en public, et met le monde à son diapason : bienvenue dans l'ère du sécuritarisme total, bain dans lequel nous trempons depuis plus de vingt ans. À nous craintes et attentas, vigiles et caméras, patrouilles et militaires. Et c'est devenu notre quotidien. Je me souviendrai encore longtemps du 11 septembre 2001, des images vues en direct et de ses conséquences tangibles encore aujourd'hui.

HORIZONTAL-VERTICAL

Je vous passe l'arrivée à l'aéroport de Newark (l'un des trois autour de NYC – on fait souvent le distinguo entre New York City et New York l'état dans lequel se trouve la ville, comme Washington DC et l'état de Washington par exemple, parce que cette dernière ne se trouve pas du tout dans l'état qui porte son nom par contre), la douane qui a émis quelques réserves sur mon discours de touriste qui passe deux mois à voyager à travers le pays (bon au final, à la question fatidique de savoir combien j'avais budgeté pour ce voyage, les « five grounds » (cinq mille) ont semblé trouver preneur aux yeux du peu sympathique douanier) et le trajet en taxi de 20 minutes qui m'a coûté la modique somme de 76 dollars, me voilà arrivé à Jersey City pour un gros dodo dans un Airbnb (sous vos yeux ébahis je suis en train de réaliser une galipette peu confortable sur mes principes, seulement je n'ai pas trouvé d'autre solution aussi peu bon marché – on va y revenir – et Dieu sait que j'ai en sainte horreur la plateforme qui justement dans une ville comme New York perpétue les causes d'une crise du logement et contribue à la hausse des loyers, multiplication des logements vacants/saisonniers, bref ça me fait bien chier mais j'ai dû m'asseoir sur mon éthique rachitique cette fois). Hop, premier réveil dans une banlieue américaine comme vous l'imaginez, on part faire quelques courses au supermarché du coin, rien d'alarmant en somme, si ce n'est qu'effectivement la brique de jus d'orange ne contient pas 1 mais 1,75 litres, que les céréales du matin et le pain sont excessivement chers. Je saute dans un bus, petit pain brioché beurre de cacahuète et ersatz de confiture de raisin par dessus, et là, première embuche. Je n'ai en tout et pour tout que dix dollars en cash sur moi, un billet de pourliche de cet été. Je monte dans le bus sans la moindre idée de comment m'acquitter du titre de transport. Après l'avoir hélé (c'est comme ça qu'on fait ici, sinon il ne s'arrête pas), le chauffeur me regarde, le bus entier me regarde et je sens ployer mes épaules sous la pression de cet achat risible mais qui à 6700km de mon pays et mes habitudes, devient une drôle d'épreuve style Fort Boyard. Devant moi, une machine. Elle seule a la clé. Alors je regarde, mais vraiment rapidement, parce que je ne veux pas trahir mon origine étrangère, ici, dans mon quartier pour les sept prochains jours ! J'comprends que la machine ne prend pas la carte, c'eut été trop beau. Je comprends aussi que le chauffeur ne peut pas grand chose pour moi et que lui aussi s'impatiente. Alors dans la fente à billet, à côté de la mangeoire à pièces, je glisse l'unique billet que j'ai en ma possession et... rien. Le bus roule toujours, je n'ai pas dépassé son entrée et tout le bus me regarde parce que mon opération prend un temps anormalement long. Et là, le chauffeur me demande ce que j'ai mis dans la machine, je lui réponds timidement, et il beugle, scandalisé, que c'est seulement pour les billets de 1$ ! Que j'ai perdu mon argent, bêtement et simplement ! Que j'ai payé pour les suivants en somme... oh mazette... me voilà sans le sou. Petit migrant fraichement débarqué avec mon premier billet tel Picsou, c'était en fait mon dernier. Allez stoppons le drama, j'ai une carte bancaire et la vue qui se dégage sur les tours qui longent l'Hudson est déjà à couper le souffle. Cela évoque en moi la vue depuis Neuilly sur la Défense et ses tours immenses, et je descends à Grove Street, prends le PATH (genre de métro de banlieusard mais qui coûte un titre de transport différent et ne se cumule pas avec le métro de NYC) grâce à une gentille dame qui m'invite parce que le distributeur n'accepte pas ma carte bancaire (c'est bien le seul) et bim, descente à 33rd street et là, on y est. Ce qui pouvait ressembler à la Défense de loin, n'est pas la défense, ni la City de Londres, ni ce que vous voudrez. Il te faut quelques secondes à peine pour te rendre compte que t'es dans un truc unique, un minuscule point au milieu d'un bordel qui t'entoure et explose vers le ciel. De numéro en numéro, la surenchère des buildings est massive, incroyable. À leurs pieds, la population fourmille et vaque à ses destinées secrètes. La circulation est impressionnante, je me plais quelques instants à imaginer un plan Hidalgo ou une journée sans bagnole, ça ferait ici sans doute un tollé pas possible. Je mets cap sur un achat d'une cargaison de pellicules pour le voyage (ayant eu connaissance des puissants scanners utilisés pour la sécurité étasunienne, j'ai choisi l'option de tout acheter sur place pour préserver un maximum les films). En sortant, plein sud, je prends la direction de Wall Street. Je n'en crois pas mes yeux. Je marche au milieu d'un paysage qui s'étend d'un côté comme de l'autre, de haut en bas, jusqu'à perte de vue. Arrivé au carrefour d'un grand axe près de l'antique quartier hippie (plus du tout maintenant) de Greenwich Village, je ne distingue pas la mer ni de fin à ces colonnes qui s'empilent à perte de vue. C'est vraiment fou. J'avais l'impression de marcher dans un décor irréel, tellement il est invraisemblable, tellement il ressemble à rien de connu mais en même temps quelque chose qu'on a toujours côtoyé par ses apparitions dans les comics ou les films ou les photographies. Cet objet sort maintenant de l'imaginaire et devient réel. Ce qu'il était de réduit, prend toute sa proportion, et New York est sacrément grand.

PARMI LES MOUGEONS

Le mougeon est un concept créé par deux ex-amis. C'est une contraction du mouton et du pigeon et si vous pensez n'avoir jamais vu cette race dont je vous parle, alors imaginez-vous à Paris, Rome, Barcelone, ou n'importe quel site un tant soit peu touristique, et visualisez les bancs, les troupeaux d'animaux suivant les étapes toutes faites des guides, patientant sagement dans les couloirs prévus à cet effet, dans les files des musées, des monuments, nichés sur le toit des bus ou avec à leur tête un jobard étendard en main et micro-casque nasillard sur le crâne. Voilà les mougeons. Aller quelque part, et se sentir obligé de visiter comme il est établi de le faire, parce qu'il existe une pression sociétale, un regard d'autrui sur le sort que vous avez réservé à vos vacances (« quoi t'es allé à New York et t'as pas fait le MoMA mec?! ») et parce que parfois, on manque cruellement d'inspiration, ou qu'on se plait juste à voir ce qu'autrui a décidé de nous montrer, parce que ce sont ces éléments qui définissent d'après eux le lieu que vous visitez.

Ainsi, j'ai remonté le Brooklyn Bridge en plein cagnard, reconnu les fameux spots où les touristes s'aglutinent pour immortaliser dans des poses toutes les plus déprimantes les unes que les autres, leur passage furtif et fortuné sur cette terre. J'ai débouché sur le Memorial du World Trade Center, ses deux gouffres, très américains si je puis dire, qui disent en creux : il ne faut jamais oublier ce que nous avons subi et à côté on va en construire une, symbole d'unité, encore plus haute pour leur montrer qu'on est toujours preums sur le rap ! Ce bout de quartier est encore aujourd'hui fermé à la circulation automobile et quadrillé par la police antiterroriste. J'ai pris le ferry de Staten Island, gratuit (c'est peut-être la seule, l'unique activité gratuite, profitons-en), qui vous dispense une vue dégagée la boite de mikado de Lower Manhattan et un passage au large de la Statue de la Liberté (assemblage français de cuivre pensé par le duo Viollet-le-Duc/Eiffel). Il y a aussi Times Square, cette aberration, cet imbroglio pas possible où se ruent et choquent les masses devant une agression jamais vue de néons, écrans géants diffusant les Kardashian ou une publicité, luminaires clignotants aux pieds desquels de pauvres ères déguisés en personnage Marvel ou de jeux-vidéos vous proposent une photo inoubliable au milieu de ce cirque avant de vous prendre le bras et de littéralement vous extorquer les derniers dollars qui restaient dormir dans votre porte-monnaie. À la vue de ce coup classique, je ne pouvais m'empêcher de penser que ces touristes se barreraient en courant s'ils voyaient les têtes de taulard qui se cachent sous ces masques auprès desquels ils feintent le plaisir d'être joyeusement entouré pour une photo amère. Les autres étapes sont nombres, Central Park, Broadway, le taureau de Wall Street (autour duquel les touristes posent mais aussi lui tâtent ses burnes de bronze dans l'espoir d'une meilleure vie), Coney Island et ses attractions, la Gare Grand Central de marbre, la longue artère mythique de Fifth Avenue, ChinaTown ou Little Italy, la High Line (voie verte piétonne sur une ancienne ligne de train aérienne), bref, il y a bien d'autres parcours à arpenter avec ses paires. Difficile pour ces choses vues mais jamais expérimentées dans le réel de ne pas suivre le flot de mougeons car New York est fait de ça, comme Paris de sa Tour Eiffel, de ses Champs ou de son Louvre. Ce n'est seulement que lorsqu'on sort par une petite rue déserte, par la porte dérobée d'un magasin, et qu'on atterrit au beau milieu de rues sans intérêt (pour le touriste si j'ose, des gens vivent ici tout de même), que l'expérience prend un nouveau tour. Je dirais même plus qu'elle devient quelque chose d'encore plus intéressant quand on s'ancre dans un quartier, qu'on repère ses points chauds, qu'on y trouve ses habitudes (même si c'est pour une semaine), car pour ma part, à la différence du mougeon, je ne prends pas plaisir à cocher toutes les cases de la To Do List de New York. Je suis ravi de vivre et de voir ce qu'on m'a toujours montré par un médium, mais je veux avant tout savoir ce que c'est de vivre au rythme de ces lieux que je traverse, et New York, par son immensité, son raffut, son activité effrénée, ses métros (vous n'imaginez pas le boucan que produit le passage d'une rame sur le tronçon aérien de Williamsburg), New York fatigue et use, bien plus que la vingt ou trentaine de bornes que je marche chaque jour. New York vous sollicite à chaque coin de rue, chaque feu, klaxon, vision terrible de la déchéance d'un être au coin d'un immeuble qui concentre un millième de la richesse mondiale. Enfin, un rare sentiment d'immense solitude m'envahit dans New York. Je ne sais pas si je peux l'expliquer simplement, mais être une pièce d'un puzzle qui se complète sans soi a rarement été aussi prégnant pour moi qu'à New York. Que vous soyez là ou non ne change rien à la ville, son enfer, son cours. Tout comme les clodes dont je parle juste avant, vous n'attirez rarement plus d'attention qu'eux sur le chemin d'autrui. Vous n'êtes qu'un étranger de plus, un touriste ou mougeon de plus, qui repartira avec sa casquette des Yankees et sa miniature de la statue de la Liberté dans quelques jours. Moi qui vous écrit depuis une petite piaule sombre, la moins chère que j'ai pu trouver, à une heure de marche du premier arrêt de PATH, dans la banlieue de la banlieue de la grosse pomme, je me demande si une vie est vraiment possible à New York City ?

MYTHES, FAITS, REALITE

  • Arrivé en banlieue, les églises sont multipliées comme les pains, il y en a littéralement partout, deux voir trois par rues, des épiscopales, des baptistes, des jamaïcaines, des hispaniques, bref, de tous les bords et toutes les couleurs. Et le dimanche ça chante, ça joue de la batterie, ça gospelle au nom de Dieu, ça prêche comme dans les films « j'ai rencontré Jesus dans le fond d'une bouteille et il m'a demandé si je voulais être sauvé » et les grenouilles de bénitiers répondent « Amen ! » à tout va, bref c'est comme dans les films.

  • Comme dans les films aussi, la banlieue du New Jersey est comme on se l'imagine, des petits pavillons collés les uns aux autres, avec leur mini jardin, la chaise sous le porche et l'avertissement « beware of dog ». Si New York n'a rien d'insécuritaire (on est loin de son image des 90s et des décennies précédentes, ravagée par la drogue et les guerres de gang), dans les banlieues de l'état mitoyen, on peut remarquer que la population est presque exclusivement issue des minorités (surtout afro-américaine dans le cas de Jersey City et Newark), et que le lot de maisons abandonnées, de clodos qui campent le Liquor Store (l'alcool ne s'achète pas en supermarché ici) et se prennent le chou dans des parcs mal éclairés, sont repoussés eux aussi à ces banlieues tant le niveau vie des Five Boroughs ne laisse que peu de place à la survie.

  • Petit apparté, je vais souvent préciser (ici en anglais on dit la « race » mais en français on dirait) l'origine ethnique des gens à qui je parle, car extérieurement considéré comme mâle blanc, je suis bien conscient que mon rapport à autrui et aux autres communautés pourra être biaisé par mon origine. Ces précisions n'auront pour seul but que de montrer qu'il y a ou n'y a pas d'équivoque dans les rapports inter-communautaires et que l'origine et la couleur sont ou ne sont pas discriminants dans mes rapports à l'autre durant ce voyage dans un pays où le racisme est très présent mais qui est paradoxalement le plus pur produit de l'immigration continue qui l'a nourri.

  • Gérald Darmanin n'a pas vraisemblablement jamais mis un pied en Amérique car les quartiers communautaires lui donneraient l'écume aux lèvres et une attaque. Bien sûr il y a les plus connus, China Town et Little Italy (qui est en fin de compte une prolongation historique mais un peu factice de ce qu'a pu être Little Italy, la communauté populaire italienne ayant plié bagage depuis un bail entre autres vers le Bronx), mais coincé entre le pont de Williamsburg et le nouveau quartier rupin et flambant neuf de Dumbo (Down Under the Manhattan Bridge Overpass, fallait le chercher celui-là), je suis tombé sur un quartier quasi exclusivement juif qui forcément, pour le petit français que je suis, étonne un peu. L'anglais laisse place à l'hébreu, mais comme il laisse sa place au chinois ou à l'espagnol dans les quartiers concernés, avec sa presse et ses écoles. Plus loin encore, réjouissons-nous de la cohabitation et l'imbrication dans une même rue de communautés différentes. Dans le Bronx, on peut voir se succéder à quelques numéros des boutiques mexicaines, puis italiennes et dominicaines par exemple. Et tout est très fluide, très naturel. Un point qui m'a vraiment fait tomber de mon siège, c'est de voir que les « pubs » des services sociaux et de l'administration de l'état sont traduites (ou intégralement) en espagnol, mandarin ou hébreu dans les lieux qui sont fréquentés par ces communautés. Difficile d'imaginer ça en France tant on en est loin, puisqu'on préfère cibler régulièrement nos minorités pour devenir tel ou tel bouc émissaire de nos problèmes sociétaux en oubliant qu'elles sont – outre leur apport culturel – bien souvent les principales petites mains qui font les sales boulots dont les établis ne veulent pas. Mais ce n'est pas parce que les USA font preuve d'inclusion que le racisme et la différence de traitement n'existent pas. C'est un paradoxe tout américain qui m'a été confirmé par un afro-américain nommé Jimmy, SDF soixantenaire afro-américain natif de Brooklyn, car selon lui la ségrégation existe toujours. Il me donne en exemple l'attaque du Capitol à Washington, suite à la défaite de Trump. Jimmy me dit « tu crois vraiment que si ces hommes en colère n'étaient pas tous blancs, qu'ils étaient noirs ou latinos, il n'y aurait pas eu un seul coup de feu des policiers ? » Je dois lui concéder ça. De manière générale, il y a encore une très forte immigration à New York, la ville grossit tellement qu'elle a du mal à gérer ce flot question logement, mais le travail ne manque pas selon Marian (propriétaire du Airbnb de Newark, venue il y a 22 ans du Nigéria) que je questionne à ce sujet. Il n'est pas rare de voir sur les vitrines des panneaux indiquant « Now hiring » (on embauche) d'ailleurs. La question reste plutôt comment régler le prix des loyers hallucinants et gagner sa croûte dignement.

  • Le nombre de Dunkin'Donuts et Starbucks est fou fou fou. Il s'agit de deux institutions pour tous les moments de la journée américaine visiblement.

  • La nuit américaine (auquel Truffaut rend hommage dans son film éponyme) existe vraiment ! Pendant un long moment après le coucher du soleil, le bleu encre du ciel est mis à rude épreuve face à la somme colossale de points lumineux au sol. Cela donne un éclairage et un horizon jamais vu ailleurs.

  • C'est assez dingue de voir comment juste le nom de New York est une marque à part entière portée par les habitants eux-mêmes. Des casquettes cheap vendues 5$ sur les stands de chinoiseries touristiques aux grandes marques qui y accolent leur logo, je ne connais pas une ville qui soit aussi hype sur les vêtements que celle-ci.

  • On m'avait prévenu en venant ici, c'est d'ailleurs l'un des premiers détails qu'on vous donne quand vous dites à quelqu'un que vous allez à Niou York : « oh bah tu vas voir, c'est cher, tout est cher » et avec notre euro faiblard, ça ne nous met dans les meilleures dispositions pour attaquer ce sujet. En revanche, quand on dit que « tout est cher », il faut le prendre au pied de la lettre car TOUT est vraiment CHER. Et en plus, à cela, tenez-vous bien, il faut TOUJOURS rajouter des taxes ! Tous les prix que vous verrez sont donc à prendre avec des pincettes ! Et pis y'a les pourboires aussi, pour les serveurs et le restaurant. Bref, en quelques jours vous êtes passé d'homme confiant à panier percé. Maintenant pour l'exemple, imaginez un banal trajet de transport en commun : par ici les 2,75$. Mais ce trajet n'est pas cumulable avec un transit quelconque, si vous prenez avant ou après un bus, un métro, un Light Rail (tram genre) ou PATH (RER genre), bim, vous repassez à la caisse ! Même si le bus est un peu moins cher (moi le mien m'avait coûté 10$ mais c'est parce que je n'étais pas un affranchi, sinon c'est 1,60$), je vous remets l'eau à la bouche avec mon trajet en taxi mafia de l'aéroport jusqu'à mon Airbnb ? 20 minutes grand max m'ont coûté la coquette somme de 76$ ! À ça vous vous dites, bon, j'vais prendre un abonnement de vélib local, y'a une borne à 1km de la maison, ça ira : 4,50$ l'utilisation ponctuelle pour les 30 premières minutes (facture à la minute ensuite) ou 20$ pour la journée, pas d'abonnement semaine de dispo, d'un coup ça refroidit... Et parce que j'ai poussé un peu plus loin mon investigation, j'ai tapé à la porte d'un ou deux loueurs de vélo : 65$ la journée. Allez, on rebrousse chemin, c'est environ le prix d'une poubelle qui vous transportera en Ohio si vous en avez les jambes. C'était peut-être bien ça la solution dès le départ...

  • La bouffe, autre sujet, corrélé au précédent, bouffer n'importe quoi vous coûtera les yeux de la tête. Même leur kebab (gyro ici) tout seul est à 8$ minimum et ne remplit même pas le bide comme ceux de la porte de Clignancourt. Un burrito ? Pas en dessous de 10 à 15$. Y'a bien des slices de pizza à bas prix, 2$ dans les pires bouis-bouis que tu croiseras, mais pour ce prix tu payeras toi-même la communication avec le 911 pour te sortir du trépas. Par contre je dois dire que je me suis égaré dans un petit resto péruvien qui m'a eu à l'odeur et n'inspirait vraiment pas la confiance, ici à Newark (banlieue de chez banlieue) et franchement, c'était assez incroyable. J'ai bien fait le tour des fast foods locaux, pas de dépaysement côté Burger King, pas de révélation chez Wendy's ou Shake Shack, pas certain que je mettrai un pied côté McDo avant la fin de ce périple. Faut voir aussi en supermarché, bon d'accord j'étais chez Whole Foods (genre Naturalia un peu) mais le rayon salades à emporter et plats préparés, du délire les prix en rapport avec les quantités (8 à 14$ pour mourir de faim). De manière générale, quelques regards sur la pub alimentaire vous fait bien vite comprendre que le « healthy » (sain) et « organic » (bio) sont vendeurs et une grosse préoccupation des américains qui peuvent se le permettre (j'entends par là, la population de Manhattan essentiellement). Et ainsi je découvre l'origine des chaines de resto cumulant les tendances fresh, veggie, avocado ou bowl, qu'on retrouve dans nos capitales depuis quelques temps. En bref, si vous déjeunez et dinez en ville, comptez mini 15 à 20$ par repas cheapos. Et tapez aux portes des coréens autour de Fifth avenue, j'en ai trouvé un délicieux.

  • J'ai parlé de loyer hallucinant plus haut, voilà quelques chiffres donnés par les new yorkais avec qui j'ai pu échanger pour corroborer ces dires. Une chambre à Harlem, 600 à 800$ le mois (je peux vous dire que ça en fait déjà du métro si vous voulez descendre à Financial District, m'enfin, un col blanc qui vit à Harlem, ça doit être la risée de l'openspace). Un appartement dans le même Harlem, avec une chambre : 1800$. Avec deux chambres ? 2600$ mon vieux ! Plus proche de East Village ? Chelsea ? Soho ? 3000, 4000$ et ça s'envole ! Dans le second Airbnb où j'ai logé (ici on retape des apparts, et on fait de toutes les pièces des piaules qu'on met en location sur le site, les voyageurs se partagent la salle de bains et la cuisine), la proprio me disait que la maison voisine, à Newark (équivalent Bobigny ou Saint-Denis pour nos amis parigots) valait 200 000$ il y a une vingtaine d'années, aujourd'hui, elle serait mise en vente autour de 800 000$. Vous verriez le bazar, vous préféreriez tout claquer sur Lucky 13 aux courses du dimanche, croyez-moi. Si j'ai été si loin c'est aussi que je n'ai vraiment rien trouvé de bon marché dans NYC. La nuit en auberge de jeunesse commençait entre 45 et 75$ dans un dortoir (je le répète mais payer pour ne pas dormir est un concept qui a de l'avenir mais qui est derrière moi désormais) et les chambres Airbnb pas en dessous de 100-120$ la nuit. Là où je suis tombé j'ai réussi à m'en tirer entre 45 et 55$ la nuit. Et puis on voit du pays au moins !

  • Un autre truc de ouf, c'est la weed. Ça pue la ganja partout dans NYC et le New Jersey. Depuis sa dépénalisation en 2021, tout le monde se roule splif sur spleen à toute heure, c'est assez dingue.

  • Les clodos de NYC sont bien nombreux et quelques uns transportent ou trainent d'immenses sacs poubelles remplis de canettes ou gobelets à recycler contre 5 ou 10 cents (selon les consignes payées par le consommateur). En voyant ça, même si ça n'était pas exactement comment ça s'était passé, je ne pouvais pas m'empêcher de penser à un trait tout américain de rentabiliser le moindre temps de travail, même celui des sans-domiciles fixes. Au final, je ne sais pas si cela peut être suffisant pour aider quelques-uns d'entre eux à sortir de leur situation ou à contribuer réellement au tri/recyclage.

  • Bon faut dire aussi que y'a des caméras absolument partout (même les p'tits vendeurs ambulants en ont alors que leur camtar vend des saucisses quoi). Que vous soyez dans les pneus ou les assurances, ou pour votre propriété (genre mon premier Airbnb cumulait au moins 4 caméras dans les parties communes), la caméra de sécurité semble la step 1 de votre installation. Avec tout ça, je dois avouer halluciner devant le nombre d'emplois généré par le secteur de la sécurité (que ce soit l'accès aux buildings, entrée des magasins, transports) et le nombre de polices différentes (outre les marshalls, les shérifs, la police du comté, la police municipale ou fédérale, y'a celle des Park, du traffic ou des tribunaux, et même de la Poste??). Mais ce n'est pas ça qui rend New York sécurisant. C'est une ambiance très chill dégagée par ses habitants je dois dire. À part une courte portion de la 125eme à Harlem où zonait une cohorte de junkies abimés (la ville traverse une crise avec le Fentanyl, puissant opioïde responsable de 8 overdoses sur 10 et plus de 3000 décès en 2022 rien qu'à NYC, qui n'est pas sans rappeler ses anciennes addictions à l'héroïne ou au crack dans les années 60 et 90), franchement, jamais je n'ai été inquiété. Même dans les quartiers reculés où je logeais à Newark ou Jersey City, quartiers pas super réputés où littéralement aucun blanc ne vit et où on me regardait genre « il s'est perdu le white ass ? », pas une goutte de sueur. Mais ça c'est grâce aux américains parce que...

  • les américains sont vraiment sympas. Bien sûr, il y a une nana qui m'a fui parce que je devais faire peur avec mon sac à dos de randonneur, ou un mec qui m'a juste ignoré parce que je n'étais pas son chien au bout de sa laisse peut-être, mais hormis ces deux-là, tous ceux que j'ai arrêté ont été adorables. Ils prennent le temps de comprendre votre problème, de vous montrer, venez avec moi, tenez c'est ici, d'où venez-vous, ah oui le moulin rouge ! Bref, les américains étaient mes clients préférés dans l'hôtellerie (et c'était la frange aisée), je suis content de voir qu'ils sont tous aussi adorables chez eux. Je vous avais parlé de la nana qui m'avait offert un ticket de métro, une autre m'a offert une dose de lessive au lavomatic local de Newark et tout expliqué en compagnie de l'employé, voyant que je galérais. Et il n'est pas rare qu'on vous salue dans la rue. Comme en cambrousse où l'an 2000 n'est pas encore arrivé chez nous.

  • Quelque chose qui m'a choqué en tant qu'ancien coursier à vélo, c'est d'en voir très peu au final, dans la ville d'où tout est parti en quelque sorte (je me revois devant mon ordi à mater en boucle les vidéos de Lucas Brunelle ou Austin Horse) mais surtout de voir ces myriades de livreurs style Uber qui attendent sur le trottoir (est-ce que ça serait pas d'ici ça aussi?) et ont presque tous le même profil : latinos ou mexicains sans le profil physique du coureur cycliste de 20 à 40 ans, vivant en banlieue, roulant sur des vélos électriques pimpés aux couleurs de leur pays d'origine.

  • La mode du baggie sur les genoux a encore de beaux jours devant elle parmi les thugs du coin.

  • Fréquentant ses quartiers populaires, je ne peux pas m'empêcher de remarquer le nombre assez hallucinant de zonards et personnes handicapées qui font la manche ou trainent dans la rue, les gares. Les aides sociales étant réduites à peau de chagrin, ces personnes sont nécessairement venues à mendier aux côtés de tous les problèmes que peut générer la rue (alcool, drogue, violence, démence, etc).

  • On arrive à la fin de notre dissertation sur les mythes et tout, il en reste un bon gros que j'ai intitulé « en voiture l'amérique » sur mes notes parce qu'ici, les distances explosent. Je vous parle de quasi 4km de largeur et plus de 21 de long rien que pour Manhattan soit 59km2 (à côté, Brooklyn, 180km2, c'est quasi 2 fois la taille de Paris intramuros). Alors forcément, même si la distance entre les arrêts de métro est un peu plus importante que chez nous, qu'on a vite fait de faire une heure à pattes pour atteindre son point d'intérêt, l'Amérique elle, a tout pensé pour la BAGNOLE, symbole de la réussite et de l'indépendance du travailleur !

QUAND J'Y PENSE

  • SOS Fantômes 1 et 2 : c'est la première image que j'ai en tête quand je pense à New York, ça me vient de ces deux films de ma jeunesse.

  • Le Spiderman de Sam Raimy aussi, ses buildings, parce que j'ai pas mal lu le comics étant plus jeune même si je lui ai toujours préféré Batman.

  • D'autres films qui me viennent en tête c'est ceux de Allen bien sûr (dont je ne suis pas fan), Marathon Man ou encore Taxi Driver, mais c'est plutôt pour ses films de gangster que j'aime le New York lugubre du cinéma (Il était une fois en Amérique, Serpico, Le Parrain 2, Les affranchis). Je n'ai pas vu Il était une fois le Bronx de De Niro, mais je vais corriger ça à mon retour. Un autre film que j'ai vu cet été sur NYC, c'est Motherless Brooklyn d'Edward Norton, pas formidable, mais qui soulève le problème de la transformation de ville par un de ses urbanistes très controversés, Robert Moses.

  • Côté musique, même si ma bande son ici a essentiellement été Londinium d'Archive (qui sont anglais), la ville a connu son âge d'or avec le jazz mais c'est pour ses groupes de rock comme le Velvet Underground, Television ou les Strokes que je pense à New York. C'est ici aussi que John Lennon est mort assassiné, alors j'ai eu une petite pensée pour lui sans pouvoir en écouter (je le mets souvent à l'hôtel mais pas dans l'iPod). Et bien sûr, petite pensée émue au Wu-Tang, qui fût parmi mes premiers CD achetés il y a bien longtemps de cela et au live Get yer ya-ya's out des Stones, enregistré au Madison Square Garden, sur lequel Victor et moi dansions, ivres.

  • En littérature, comme l'épopée que j'imagine ressemble assez grossièrement à celle de Kerouac, j'ai Sur la route en tête, mais aussi Burroughs et ses délires drogués qui lui ont susurré la technique du cut up pour réécrire ses textes et leur redonner un peu de ce foisonnement de sons, d'idées, de trucs qui se passent que dans une ville pareille. Je me suis souvenu du Just Kids de Patti Smith qui raconte sa jeunesse ici et combien les quartiers malfamés sont devenus riches et comment Central Park n'est plus un aller simple en enfer ou un bidonville de SDF.

  • Et puis il y a la photo, naturellement. La première qui me vient quand je regarde tous ces buildings, c'est Déjeuner au sommet d'un gratte-ciel, photographe inconnu, années 30, et ces camarades qui représentent la face cachée/oubliée des efforts qu'il a fallu fournir pour bâtir ces édifices qui défient l'imagination. Mais New York, c'est sans doute la capitale de la photographie, c'est comme ça que je la considère en tout cas, et elle a fait les belles années de Bruce Gilden, de Garry Winogrand, William Klein ou Diane Arbus, Elliott Erwitt. Son métro c'est définitivement Bruce Davidson. Et même si je n'y retrouve pas toujours ses couleurs (merci la météo), ses rues resteront toujours pour moi les images des premières années de Joel Meyerowitz.

VILAIN TOUTOU

  • Au compte de ce que ce vilain touriste n'a pas visité, il me faut donner tous les musées. Plus les années passent, plus le cérémonial file d'attente > chemin fléché > étape obligatoire selon l'avis général, me fatigue. De plus, alors qu'il pleuvait et que je me disais « bon cette fois tu pourras pas faire musée en plein air sans tomber malade, alors on va se mettre à l'abri », je me suis cassé le nez à deux reprises (MoMA et Guggenheim) sur les horaires d'entrée, merci au guide Lonely Planet pour ça.

  • Je ne suis pas allé voir de match de baseball des New York Yankees ou des Brooklyn Cyclones car la saison était terminée à peine quelques jours avant que je n'arrive. Des amis qui en ont vu un m'ont dit que c'était très long et pénible. Je ne suis pas allé voir de match de football (américain) ni de NBA mais je suis allé voir du soccer (notre football à nous), le New York Red Bull recevait Austin (Texas) et ça faisait super plaisir de voir autant de mixité (origine et sexe) en tribune et de bonnes vibes (marrant de voir que là où il est le plus ancré, nos stades en sont encore loin en Europe de cette ambiance chaleureuse).

  • Je n'ai pas mangé de ramen ni de bagel. Mais j'ai bien cru explosé en mangeant le sandwich au pastrami de Kat'z (en photo un peu plus haut, seulement une trentaine de dollars).

  • Je n'ai pas été voir de musical ou de comedy, pas sûr de tout comprendre et l'un comme l'autre ne me disent absolument rien.

  • Je voulais me rendre au Dakota Building où John Lennon s'est fait descendre en 1980, pour voir, s'il y avait un genre de petit mémorial de rien (le « vrai » étant dans Central Park). Je n'ai pas poussé si haut.

  • À Harlem, j'ai manqué Strivers Row, les habitants ne connaissaient tout simplement pas ce lieu qui est un bloc typique d'architecture de la fin du XIXeme. Et comme un idiot, je n'avais pas noté l'adresse.

  • Je n'ai pas été dans un club de jazz. Quand j'y pense, je me dis que quelques jours avant de partir, avec mon amie Ninon, on est allé voir son frère (trompettiste qui joue dans ce groupe) et son pote saxophoniste jammer dans un bar lillois, et ça valait bien n'importe quel spectacle. Ces deux gonz sont époustouflants.

  • Je n'ai pas fait Top of the Rock ou l'Empire State Building mais Summit One. 49$, 45 minutes d'attente (alors que toute la file avait ses billets, je vous demande bien à quoi ça sert de les prendre en avance) et des contrôles de sécurité dantesques plus tard, quelques vues imprenables, sisi faut bien l'admettre, mais bon, dans ce pays où tout se monnaye, c'est la loi offre/demande qui règne, celui qui possède fixe le prix. Mais la vue était unique en son genre faut l'avouer.

  • Putain Coney Island !!! Il pleuvait des cordes le weekend où c'était censé être ouvert... Je voulais faire un tour de carrousel ou de montagne russe moi...

  • Et enfin, je ne suis pas allé voir la Statue de la Liberté sur Ellis Island, l'ayant seulement vue au loin depuis le Staten Island ferry. Soit, je continuerai mon chemin de croix.

POUR FINIR

En conclusion de cette dizaine de jours (dont 3 sous la flotte) à New York et ses environs, je dois dire que j'ai été assez charmé par le melting-pot généré par cet aimant international qui attire toujours à lui migrants de toute classe et tout pays. Le mythe du self-made man ou de l’american dream, du travailleur qui finira par faire fortune a encore la peau bien dure et je me demande encore dans quelle mesure aujourd'hui l’ascenseur social fonctionne. Tout n'est pas rose, loin de là, et la vie est si chère (en tout cas pour les prolos et les gens peu qualifiés comme votre serviteur) qu'elle ne permet même pas de s'imaginer s'installer à proximité, mais je suis content d'être passé par ici, d'avoir vu ce que c'était, et d'avoir égratigné par mes échanges la surface du paradigme de la ville. La vue sur tout Manhattan depuis Summit One est vraiment impressionnante. Le quartier multiculturel du Bronx a l'air vraiment plus chouette que Brooklyn (en tout cas de ce que j'en ai vu, c'est bien gentrifié sa race). Et j'ai aimé me balader sur les quais de l'East River ou de l'Hudson, dans le quartier juif de South Williamsburg (malgré quelques regards hostiles à l'encontre de mon appareil photo) ou dans Chinatown. De manière générale, j'ai énormément marché, dans un sens, dans l'autre, essentiellement dans le Manhattan sous Central Park, et j'en ai eu un bon aperçu global je crois, donc je ne sais pas si j'y reviendrai. Maintenant, c'est l'heure de prendre la route, all the way to the South !

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